Le rapport parlementaire fédéral sur le suicide assisté va trop loin, trop vite.

Avec peu de consultations ou d'explications, ce groupe de députés et sénateurs recommande de permettre le suicide assisté même pour les mineurs et les malades psychiatriques. Toutes les portes restent ouvertes, assez pour laisser entrer le malaise.

Certes, le travail était casse-gueule à cause des délais hyper courts. Mais c'est justement ce qui justifiait plus de prudence.

En février 2015, la Cour suprême rendait une décision historique unanime : le suicide assisté doit être offert aux personnes atteintes d'une maladie « grave et irrémédiable », aux souffrances « persistantes » et « intolérables », et qui y consentent de façon éclairée.

Même un malade qui n'est pas en fin de vie (par exemple un trouble neurodégénératif) serait ainsi admissible. Cela va plus loin que le Québec, qui restreint l'aide médicale à mourir aux patients en phase terminale. Cette limite, Québec se l'était imposée pour ne pas violer le Code criminel, de compétence fédérale.

Tout cela a changé avec la Cour suprême. Le jugement force Ottawa à réécrire le Code criminel, et ce, d'ici juin. Cela ne laisse que six mois. Le Québec, lui, avait pris six années avant d'adopter sa Loi sur l'aide médicale à mourir.

C'est donc avec cette épée au-dessus de la tête que doit réfléchir le gouvernement Trudeau.

Peu après son élection, il a reçu un rapport d'un comité d'expert, et un autre d'un comité interprovincial. À cela s'est ajouté jeudi dernier un troisième rapport consultatif, celui commandé à des parlementaires de différents partis (les députés conservateurs sont dissidents).

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Pour chaque cas controversé, comme un jeune de 16 ans ou un dépressif, le rapport reprend le même raisonnement. La Cour suprême n'exclut pas d'emblée ces personnes. Elles risquent donc de réclamer le suicide assisté. Si on leur refuse, il s'agirait de discrimination. Au nom de leurs droits individuels, il faudrait donc le permettre, en déduit-on.

Avec cet étroit raisonnement juridique, le rapport évacue en quelques paragraphes de profonds débats moraux. Il faudrait élargir le débat pour se demander si c'est non seulement possible, mais aussi souhaitable.

Or, des médecins et juristes ont émis plusieurs préoccupations. Pour certains troubles psychiatriques comme la dépression, il serait difficile de vérifier le consentement du malade ou la nature « irrémédiable » de son diagnostic.

Pour les mineurs, le consentement pourrait aussi poser problème. Et il n'est même pas certain que le jugement de la Cour le permette, ont prévenu des constitutionnalistes.

Ce débat s'est fait pour l'instant entre experts. Il faudrait prendre le temps de consulter la population, comme l'a si bien fait le Québec.

Le délai de la Cour suprême ne le permet pas ? Raison de plus pour ne pas tout faire en une seule étape. Par exemple, la Belgique a attendu 12 ans avant d'élargir le suicide assisté aux mineurs. Le rapport suggère, de façon arbitraire, de le faire d'ici trois ans. Avant de s'engager dans cette voie, le Canada devrait longuement y réfléchir.

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