Avec Uber, « l'économie du partage » prend un nouveau sens. L'entreprise choisit de faire l'économie du partage de ses profits, dans le sens où elle ne vérifie pas si ses chauffeurs payent la TPS et la TVQ. Et elle évite l'impôt en transférant ses profits à l'étranger. Le tout sans exiger de permis de taxi à tous ses chauffeurs.

Surprise, cela aide Uber à facturer moins cher que la concurrence. Elle utilise ainsi ses clients satisfaits comme moyen de pression pour que Québec légalise ses activités. Son argument : les gens nous aiment, donc adaptez vos lois. Parce que nous, on reste...

L'industrie du taxi réplique en déposant une demande d'injonction pour rendre Uber illégal. On comprend leur colère.

La modernité est en effet un peu moins savoureuse quand on se la fait enfoncer dans la gorge. Mais c'est à Québec que le dossier devra se régler, et non devant les tribunaux.

La requête réduit le débat à un faux choix : permettre ou bloquer Uber. La première option cautionnerait la concurrence déloyale. La deuxième ne serait qu'un diachylon juridique, car même si on interdit Uber, on n'éliminera pas les technologies qui transforment le taxi pour le mieux. Car si Uber séduit les gens, c'est aussi parce que l'industrie du taxi a trop négligé ses clients.

Le nouveau ministre des Transports, Jacques Daoust, devra encadrer cette petite révolution pour le bien des consommateurs, et dans le respect des chauffeurs. Tout le défi sera d'établir les conditions d'une saine concurrence. De tracer la nouvelle ligne de départ.

Trois grandes questions se posent. D'abord, celle de la fiscalité. Le principe est clair : tous les chauffeurs doivent payer les taxes. Cela inclut l'industrie conventionnelle, qui n'est pas sans reproche. Revenu Québec estime que 73 millions lui échapperaient chaque année à cause des chauffeurs réguliers.

La deuxième, c'est celle des permis. Il s'agit de la plus complexe. À Montréal, leur nombre est limité à environ 4400. Les chauffeurs doivent en louer ou en acheter un. Certains se sont endettés à plus de 200 000 dollars. Puis arrivent Uber et UberX, qui n'en exige pas de ses chauffeurs. Cela a fait chuter la valeur des permis, dont le prix reposait sur une entente tacite entre Québec et les chauffeurs. Pour eux, la dérèglementation équivaut à une forme d'expropriation. Une indemnisation sera donc nécessaire.

La dernière question, c'est celle de la planification des transports. L'auto solo plombe les dépenses des ménages et congestionne les routes. Pour la réduire, il faudra encourager les petites sociétés de covoiturage, qui sont les grandes oubliées dans cet affrontement taxi-Uber.

Le Québec n'est pas une anomalie. Le problème se pose dans plusieurs autres métropoles, de Rio à Paris. Chaque ville doit trouver son modèle. Par exemple, Edmonton a légalisé Uber, tandis que Calgary l'interdit.

Des solutions novatrices émergent pour Montréal, comme l'intéressant projet Téo d'Alexandre Taillefer, avec un parx de taxis électriques et un système de rachat de permis, qui convertirait les chauffeurs en salariés.

C'est le genre de modèle à développer pour permettre une réelle concurrence entre Uber, l'industrie actuelle et les autres sociétés qui pourraient émerger. Les chauffeurs devraient déposer leurs fourches au lieu de défendre un système vétuste qui désavantage tout le monde, y compris eux-mêmes.

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