En mai dernier, les sous-ministres fédéraux se rencontraient en privé pour parler de l'inquiétante politisation de leur travail.

Comme eux, les députés et ministres manquent d'oxygène. Si le problème ne découlait que des tendances autocrates d'un premier ministre, il serait facile à régler. Mais c'est un peu plus compliqué. La centralisation du pouvoir est un mouvement de fond amorcé sous Pierre Elliott Trudeau, et il ne cesse d'augmenter depuis.

C'est devenu un problème de transparence, d'imputabilité et d'efficacité. La petite armée communicationnelle du bureau du premier ministre contrôle l'information et refuse souvent de la partager. Ce qui est d'autant plus inquiétant que ce bureau reste trop petit pour tout gérer.

Justin Trudeau l'a reconnu en campagne électorale et il promet d'y remédier. Il devra agir sur trois fronts : les ministres, les députés et la fonction publique. En juin dernier, le chef libéral a déballé à ce sujet une ambitieuse liste de 32 promesses.

Pour redonner de l'initiative aux ministres, il n'y a pas de recette miracle. Son « nouveau leadership » aiderait sans doute. Mais c'est seulement avec les dossiers sensibles qu'on pourra le vérifier.

Pour ses députés, M. Trudeau promet le vote libre, sauf lors des votes de confiance, des promesses électorales et des sujets touchant les droits et libertés fondamentales.

Les promesses-clés sont toutefois ailleurs. Le plus important travail des députés se fait en comité parlementaire, où l'on étudie et amende les projets de loi. M. Trudeau promet un vote secret pour élire le président de chaque comité et plus de ressources pour les membres. Autre mesure attendue : il réglementerait - le détail reste à voir - les projets de loi mammouths. Mais il pourrait aller plus loin en limitant le nombre de comités et en leur donnant en contrepartie le contrôle de leur calendrier, avec des membres nommés pour un mandat. C'est ce que suggère entre autres le récent rapport du Forum des politiques publiques. Cela permettrait une véritable étude experte des projets de loi, pour les améliorer au lieu de les enfoncer dans la gorge.

Enfin, pour la fonction publique, M. Trudeau veut créer un poste de directeur scientifique qui partagerait le travail des chercheurs. Et il rendrait exécutoires les ordonnances du Commissaire à l'information.

Mais pour augmenter la transparence et l'initiative des élus, le nouveau premier ministre sera confronté à un problème qu'il ne contrôle pas. Le cycle des nouvelles s'accélère et notre idée de la responsabilité ministérielle s'élargit. Cela crée une politique de pompier. Le gouvernement passe son temps à éteindre des feux. Et dans ce contexte, la prévention, c'est de limiter la circulation des mauvaises nouvelles.

Pour desserrer cette emprise, il faudrait cesser d'analyser la politique comme un téléroman où chaque désaccord provient d'un traître ou d'un martyre. C'est cela qui permet aux tentacules du bureau du premier ministre de s'étendre dans la paranoïa.

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