Le débat électoral sur l'économie souffre d'une obsession pour le court terme, et même pour le passé. Les deux mots les plus prononcés depuis le début de la campagne : récession et déficit. Or, le problème réside ailleurs, dans la croissance économique faiblarde prévue pour la décennie.

Certes, le PIB canadien a reculé cette année durant deux trimestres consécutifs, ce qui correspond à une récession technique, telle que définie dans la loi conservatrice sur le déficit zéro. Par contre, la consommation et l'emploi étaient à la hausse. Le pays ne serait pas en récession en vertu d'une autre définition qui intègre de tels indicateurs économiques.

Cette récession n'a donc peut-être jamais existé. Et même si c'était le cas, elle est terminée. Cette malheureuse fixation partisane sur un mot-choc fait déraper le débat vers le passé, sur une courte période. On regarde si proche de soi qu'on ne voit plus clair.

Le même court-termisme mine le débat sur le déficit zéro. L'équilibre budgétaire est un « zéro » en bas d'un tableau, et non un projet de société. L'important est de savoir quand et comment y arriver. Un déficit de moins de deux milliards, comme le prévoit le Directeur parlementaire du budget pour 2015, correspondrait à moins de 1 % des dépenses, un niveau loin d'être catastrophique étant donné le très faible niveau du coût d'emprunt et de la dette. Il n'est donc pas nécessaire de le viser à tout prix cette année, à moins que le déficit zéro ne soit, comme pour les néo-démocrates, une étiquette qui doit faire oublier celle de « socialiste ».

Mais il n'est pas nécessaire non plus d'administrer un électrochoc, comme en 2009, pour relancer rapidement l'économie. 

Le Canada n'affronte pas un orage passager violent. Il commence plutôt à traverser une longue grisaille.

Le véritable défi réside dans la faible croissance anticipée pour la prochaine décennie, à cause de facteurs structurels comme le choc démographique, l'essoufflement de la Chine, la crise européenne, la faible productivité et la dépendance au pétrole de l'Ouest.

Les revenus de l'État diminueront alors que les besoins augmenteront, surtout pour les provinces qui gèrent la santé de leur population vieillissante. L'économie canadienne devient ainsi à la fois morose et bipolaire. Le Québec et l'Ontario affichent une croissance famélique, pendant que l'Ouest et son industrie pétrolière évoluent en montagnes russes. Les booms des ressources aident les provinces plus pauvres avec la péréquation, tout en leur nuisant en déstabilisant le huard. Gérer cette fédération et le virage vers une économie plus verte exigera beaucoup de souplesse.

Voilà le portrait qui devrait servir de base au débat, même si c'est un peu moins vendeur qu'un autre crédit d'impôt pour les Canadiens-qui-travaillent-fort.

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