La rencontre des alliés contre le groupe État islamique (EI), qui se déroule aujourd'hui à Québec, devrait servir de prétexte pour réexaminer notre relation avec l'Arabie saoudite. Un étrange allié qui, tout en combattant l'EI, lui fournit du combustible.

C'est ce qu'a démontré une fois de plus WikiLeaks, le mois dernier. En 2010, une précédente fuite révélait qu'aux yeux de l'administration Obama, l'Arabie saoudite constituait la « principale source de financement » du terrorisme islamiste. Cette fois, le site a commencé à dévoiler 400 000 documents confidentiels venant de l'Arabie saoudite elle-même. Ces nouvelles fuites confirment ce qui était soupçonné : le régime et certains de ses richissimes citoyens utilisent les pétrodollars pour s'acheter des amis, contrer l'Iran et exporter l'islam salafiste. Sous une forme qui peut favoriser la ghettoïsation et, dans certains cas, la violence.

Cette stratégie remonte au moins aux années 50. Pour contrer le panarabisme promu par l'Égypte, l'Arabie saoudite a intensifié sa propagation d'un panislamisme. C'était une façon de protéger sa légitimité à l'interne, en s'alliant les religieux pour combattre les socialistes.

Et c'était aussi une façon d'assurer son influence à l'étranger, en formant et en exportant des imams.

L'hiver dernier, un comité sénatorial canadien s'inquiétait que des Saoudiens, Qatariens et Koweïtiens fortunés « se servent d'organismes de bienfaisance comme intermédiaires » pour financer des mosquées ou centres communautaires au « modèle fondamentaliste ». Un imam de Calgary, Syed Soharwardy, soutenait que l'argent servait à « lave (r) le cerveau des jeunes » dans certaines écoles et universités.

Qui finance qui ? L'Agence du revenu du Canada ne permet pas d'obtenir un portrait d'ensemble. Elle interdit aux organismes sans but lucratif de recevoir des fonds de l'Iran et la Syrie. Ceux des autres pays sont acceptés. S'ils dépassent 10 000 $, ils doivent être déclarés au fisc, mais cette information n'est pas partagée avec le public.

Sans vouloir nommer le régime saoudien, Richard Fadden, ex-patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), admettait qu'il s'agit d'un « problème ». Toutefois, il n'existe pas de solution facile, prévenait-il.

Bien sûr, le risque pour le Canada doit être relativisé. Selon la Sûreté du Québec, seul le quart des « menaces extrémistes » sont liées à l'islam radical. Soit moins que celles liées à la catégorie de l'extrême droite et crimes haineux.

Reste qu'à l'échelle planétaire, l'Arabie saoudite demeure autant une puissance économique qui défend ses intérêts qu'un incubateur de haine religieuse. Au nom de la realpolitik, on peut s'asseoir avec elle. C'est toutefois difficile de le faire tout en promouvant, comme le gouvernement conservateur, une politique étrangère basée sur des « principes ».

C'est ce même gouvernement qui a vendu au régime saoudien pour 15 milliards de dollars de véhicules blindés légers - le plus gros contrat militaire de l'histoire canadienne. Le principal principe ainsi défendu, c'est celui de l'élasticité des principes.

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