Les Forces canadiennes sont confrontées à une crise, et leur nouveau chef d'état-major, Jonathan Vance, aura besoin d'un peu d'aide pour la régler.

Trois problèmes attendent le général : les agressions sexuelles endémiques, la mission impossible confiée aux troupes et la détresse des vétérans.

Les crimes sexuels constituent un fléau « incontestable », dénonçait en mai dernier l'ex-juge de la Cour suprême Marie Deschamps. Son rapport en explique les causes. D'abord, il y a la culture « hostile » aux femmes. Par exemple, pour désigner une membre de la marine, on dit « chienne ». Pour une membre de l'aviation, ce sera plutôt « salope »...

Ensuite, il y a la loi du silence et la relative impunité. C'est à leur supérieur que les victimes doivent se plaindre. Or, elles hésitent à le faire, par crainte d'être accusées de nuire à l'esprit de corps, et par crainte de perdre en cour martiale. Les crimes sexuels sont en effet traités par la justice militaire, où le comité (jury) peut être formé exclusivement d'hommes, comme ce fut le cas pour l'ex-caporale Stéphanie Raymond.

À son assermentation, M. Vance a promis la tolérance zéro.

Pour changer la culture de la maison, il devrait accepter la principale recommandation du rapport Deschamps : créer un centre indépendant qui traiterait les plaintes en marge de la chaîne de commandement. La France, l'Australie et les États-Unis ont entre autres opté pour un tel système.

Mais cela ne suffira pas. Car même si les plaintes mènent à des accusations, le procès qui s'ensuit doit être équitable. Pour ce faire, les crimes sexuels devraient être jugés dans le système civil. Cela ne relève toutefois pas de M. Vance. Il faudra qu'Ottawa décide de changer la loi, ou que la Cour suprême l'y contraigne. En effet, le plus haut tribunal au pays se prononcera dans les prochains mois sur le sujet.

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Le deuxième défi concerne les vétérans. Le gouvernement Harper a aboli 8 centres d'aide et 900 postes. Puis, juste à temps pour la précampagne électorale, il a récemment regarni les effectifs d'un peu plus de 10 %, et remplacé le catastrophique ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino, par Erin O'Toole.

C'est un pas dans la bonne direction, mais il demeure insuffisant. Alors que le budget est mal géré - plus de 1 milliard de fonds prévus n'ont pas été dépensés -, les besoins augmentent. Par exemple, en huit ans, le nombre de victimes de stress post-traumatique est passé de 6000 à 14 300. C'est paradoxalement en partie une bonne nouvelle, car le diagnostic s'améliore. Il faudra toutefois y répondre avec les soins nécessaires.

Enfin, le dernier défi concerne les opérations militaires elles-mêmes. Elles sont par nature imprévisibles, mais elles risquent d'être minées par l'hypocrisie d'Ottawa. Les Forces suivent encore la stratégie adoptée en 2008. Pourtant, leur budget a depuis été amputé de plusieurs milliards. Cette décision politique, causée en partie par la crise financière, n'est pas mauvaise en soi. Mais il faudra choisir entre hausser le budget ou réviser la stratégie. La fierté, galvaudée devant les caméras, exige aussi un peu de cohérence.

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