L'industrie montréalaise du taxi rencontre aujourd'hui le ministre des Transports, Robert Poëti. Si elle continue de blâmer Uber au lieu de se regarder dans le miroir, elle aura gaspillé sa dernière chance.

L'industrie du taxi est pourrie par son système archaïque de quotas. Ce système vise à contrôler l'offre, en limitant à 4442 le nombre de permis réguliers. Et aussi à assurer la sécurité des passagers, par exemple en vérifiant l'état des véhicules.

Or, c'est un échec. Les clients sont mal servis, les chauffeurs sont mal payés.

Démanteler maintenant ce système pose toutefois un problème d'équité. Le tiers des quelque 11 000 chauffeurs ont contracté une hypothèque pour acheter un permis. Parfois, le prix s'élevait à plus de 200 000 $. Certes, cela s'explique en partie par une spéculation imprudente. Mais ce sont surtout les quotas qui ont rendu cette spéculation possible. On ne peut faire fondre l'actif des chauffeurs en éliminant les quotas demain matin.

Certes, ce n'est pas exactement ce que demande Uber. Le message de l'entreprise à Québec est encore plus arrogant : adaptez maintenant vos lois à notre modèle et débrouillez-vous avec le reste.

Son service UberX offre du covoiturage à but lucratif sans permis, qui serait illégal. Elle s'est implantée malgré tout, pour défier Québec de priver les citoyens de son service apprécié. Et elle transfère ses profits en Hollande, ce qui lui permet de ne pas payer d'impôt ici.

On reproche aussi à Uber de ne pas vérifier si ses chauffeurs paient les taxes de vente à l'État. Le taxi n'est toutefois pas sans blâme. Revenu Québec estime que 73 millions de dollars lui échappent chaque année.

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Notre réseau de taxi doit être profondément réformé et adapté aux nouvelles technologies. Mais le choix ne se limite pas au statu quo ou aux demandes d'Uber. L'innovation ne vient pas en un seul modèle.

La réflexion devrait être élargie en fonction de deux critères. Le premier : les besoins du consommateur. Pour le covoiturage commercial, Uber montre la voie, par exemple avec l'évaluation des chauffeurs par les usagers, plus efficace que le vétuste système de plaintes du Bureau du taxi. Mais il faudrait aussi s'intéresser au covoiturage non commercial. Plusieurs applications se sont récemment développées, par exemple pour permettre à des collègues de se rendre ensemble au travail. Elles sont permises, mais trop peu promues.

Le second critère est la planification des transports. Malgré la congestion, les déplacements en voiture à Montréal augmentent plus vite que ceux en transports collectifs. Il faut donc intégrer les taxis au reste du réseau (train, métro, bus, véhicule en libre-service, BiXi). Par exemple, en offrant un mode de paiement universel, comme la carte Opus.

M. Poëti a fait un pas dans la bonne direction en autorisant les projets-pilotes sur le taxi. Uber a heureusement forcé la réflexion, mais c'est à Québec de la terminer.

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