On ne peut accuser le gouvernement Couillard d'opportunisme. Après des mois d'attente, il a déposé hier ses deux projets de loi liés à la laïcité. Le premier porte sur le « respect de la neutralité religieuse » (62) et les accommodements raisonnables. Le second traite de la « prévention et lutte contre les discours haineux » (59).

Ces positions antipopulistes ne lui feront pas gagner de votes utiles. Il ne restait qu'un petit pas à franchir pour se rallier aux recommandations prioritaires de la commission Bouchard-Taylor. Celles qui servent depuis 2008 de consensus de base et qui auraient permis de régler l'aspect politique de ce douloureux débat. Bien sûr, péquistes et caquistes auraient continué à déchirer leurs chemises, mais ils auraient perdu le coeur de leur argumentaire.

MM. Bouchard et Taylor proposaient de définir la laïcité, ou neutralité religieuse. Le Québec est déjà un État laïc. Par contre, cette laïcité n'est pas clairement affirmée dans la loi.

Elle est déduite de la liberté de religion. Si l'État doit rester neutre, c'est pour respecter cette liberté individuelle. Le projet de loi ne fait que reprendre cette définition indirecte, sans en préciser les conséquences pour le port de signes religieux.

MM. Bouchard et Taylor proposaient aussi d'interdire aux figures d'autorité (juges, gardiens de prison, procureurs de la Couronne, policiers) de porter un signe religieux ostentatoire. La raison : ils exercent l'autorité coercitive de l'État et en sont donc indissociables. Par conséquent, eux aussi doivent rester neutres, dans les faits et dans les apparences. On ne peut en dire autant des infirmières ou téléphonistes, injustement ciblées par le projet de charte péquiste.

Il s'agit toutefois d'une question de principe, et non d'un problème pratique. Il existe très peu, sinon carrément pas de figures d'autorité portant des signes religieux. Et si un problème survenait, leur ordre professionnel pourrait le gérer de façon indépendante.

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Le projet de loi 62 limite aussi - sans le nommer - le port du voile intégral (burqa et niqab). On exigera que les services de l'État soient donnés et reçus à visage découvert. Un accommodement pourra être accordé, à condition de ne pas nuire à la sécurité, à l'identification et au « niveau de communication requis », une nouveauté intéressante.

Il ne s'agit toutefois pas de laïcité, car c'est au nom de la saine prestation des services qu'on s'attaque au port de signes religieux. Et on n'en cible qu'une seule catégorie, celle de l'islam sous sa forme la plus radicale, dans ce cas-ci incompatible avec les bases du vivre ensemble.

Le gouvernement Couillard croit s'être conformé au message envoyé par la Cour suprême en avril dernier, qui rappelait que la neutralité de l'État ne concerne pas les individus. Mais même si on juge que ses positions sont minimales, elles pourraient néanmoins contrevenir à la jurisprudence. Un rendez-vous en cour est à prévoir.

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