Renaud-Bray veut avaler Archambault, et le petit milieu du livre s'inquiète avec raison. Le Bureau de la concurrence, qui doit approuver la transaction, devrait imposer une condition ferme : que Renaud-Bray règle d'abord son litige avec le distributeur Dimedia, qui empoisonne notre chaîne du livre.

Ce combat de coqs, qui dure depuis l'hiver 2014, porte sur le remboursement des titres invendus. Renaud-Bray en a changé les modalités, et Dimedia a répondu en cessant d'y vendre ses livres. Le libraire s'approvisionne depuis à l'étranger, ce qui violerait la loi selon Dimedia. L'affaire est maintenant devant les tribunaux.

Quelques milliers de titres de près de 50 éditeurs québécois ne sont plus vendus chez Renaud-Bray. Si la transaction est acceptée, ces livres seraient absents de 44, et non plus de 30, détaillants. Ces auteurs en souffriraient encore plus.

On a beaucoup reproché à Blaise Renaud son manque de « solidarité ». À sa décharge, la solidarité n'équivaut pas forcément à la défense du statu quo. Selon lui, les distributeurs prennent désormais peu de risque pour les revenus qu'ils engrangent. Peut-être faut-il modifier la fameuse chaîne. Mais l'attitude belliqueuse de M. Renaud crée plus de problèmes qu'elle n'en règle. Une négociation n'est pas une demande de reddition. Surtout quand « l'ennemi », Dimedia, a contribué à sauver sa librairie de la faillite il y a 20 ans, en effaçant une dette de 400 000 $...

***

L'exception culturelle ne figure pas parmi les critères du Bureau de la concurrence. Il traite le livre comme une spatule. Mais même si on considérait autant la culture que le commerce, la transaction ne serait pas que négative.

Pour les lecteurs, le changement sera minime. Archambault conserverait son enseigne. Certes, chez Renaud-Bray, les livres partagent l'espace en magasin avec des babioles. Chez Archambault, les livres cohabitent davantage avec la musique. Difficile de dire en quoi la fusion réduirait la place accordée à la littérature, à la poésie ou aux essais.

Pour les libraires indépendants, rien ne permet de conclure que leurs ventes en magasin souffriront de la fusion, qui risque autant de mener à la fermeture qu'à l'ouverture de magasins compétiteurs Renaud-Bray/Archambault. Et pour leurs ventes en ligne, la menace se trouve ailleurs. Amazon accapare environ la moitié de ces ventes. Pour y répondre, ces essentiels promoteurs de notre littérature doivent continuer d'améliorer leur site (www.leslibraires.ca), grâce à l'aide financière annoncée ce printemps par Québec.

C'est pour les fournisseurs que les inquiétudes sont justifiées. Avec ses 44 magasins, M. Renaud deviendrait assez puissant pour, à lui seul, mettre en péril un auteur ou un éditeur qu'il boude. Et il a déjà prouvé qu'il peut le faire avec ses critiques. D'où l'importance de le forcer à créer un précédent en s'entendant avec Dimedia. C'est autant essentiel pour protéger la bibliodiversité que la saine concurrence dans la chaîne du livre.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion