Ce qui se passe dans l'Arctique ne reste pas dans l'Arctique, prévenait l'hiver dernier l'Académie nationale des sciences des États-Unis, pour rappeler que la fonte des glaces dérègle le climat du reste de la planète.

À l'inverse, les tensions politiques entre le Canada et la Russie migrent inutilement vers le nord. Pour ces deux raisons, il faut se réjouir que le Canada ait cédé la présidence rotative du Conseil de l'Arctique la fin de semaine dernière.

Créé en 1996, le Conseil regroupe les huit pays et six groupes autochtones de l'Arctique, qui coopèrent pour apprivoiser ce territoire immense, méconnu et hostile. Un protocole a notamment été signé pour les opérations de sauvetage dans ces eaux glaciales.

La présidence du Canada a toutefois surtout été marquée par la création d'un forum économique pour l'Arctique, auquel participent des sociétés pétrolières. Certes, le Canada n'a pas empêché la signature d'un accord non contraignant sur le carbone noir, qui accélère la fonte des banquises. Mais les États-Unis, qui prennent le relais de la présidence, promettent de prioriser plus que jamais les changements climatiques. L'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du globe. Il faut éviter qu'il n'en souffre trop et n'aggrave à son tour le phénomène.

La présidence du Canada s'est aussi terminée par une bravade diplomatique. La semaine dernière, le gouvernement Harper a prévenu qu'il profiterait de la rencontre pour critiquer l'agression russe en Ukraine. Et à la conférence de clôture, devant la visite, il a assuré l'avoir fait.

Le régime autoritaire de Poutine est détestable et dangereux. Peut-être qu'Ottawa a raison d'adopter un discours musclé. Mais pas au Conseil de l'Arctique. Depuis sa création, le forum exclut les questions militaires. Il sert à des travaux plus techniques et scientifiques pour éclairer les décisions politiques. Par exemple, une marée noire serait-elle nettoyable dans l'Arctique? Une telle catastrophe en Russie risquerait de souiller l'Alaska et d'autres voisins. Mieux vaut collaborer pour éviter le pire...

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Certes, il ne faut pas exagérer l'impact des déclarations canadiennes, qui visaient d'abord à plaire aux électeurs. Le gouvernement Harper se vante de protéger ainsi la «souveraineté canadienne» dans l'Arctique. Or, les menaces sont exagérées.

La première porte sur le pétrole et gaz sous-marin situé à plus de 200 milles nautiques de la côte. Il se trouve donc en eaux internationales, et les pays se le disputent. Or, seule une minorité des ressources exploitables de l'Arctique se trouve dans ces zones isolées. Les travaux ne commenceraient pas dans la prochaine décennie, avant le virage nécessaire vers une économie sans carbone...

L'autre différend porte sur la navigation. La fonte des glaces l'été ouvre le passage du Nord-Ouest à la navigation commerciale. Mais cette voie, que le Canada réclame, est encore loin d'être une autoroute. Et c'est d'abord l'allié américain qui la dispute.

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