Alors que l'argent manque pour seulement entretenir les transports collectifs, plus de 26 millions dorment dans les coffres de l'Agence métropolitaine de Montréal (AMT). La somme, qui provient de la taxe sur l'essence, devait servir à financer le réseau, mais elle est bloquée depuis deux ans. La raison: une dispute entre les 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) sur le calcul de distribution de la manne. C'est cette même CMM qui souhaite maintenant planifier le développement des transports collectifs dans l'harmonie.

Cet imbroglio illustre un danger du projet de réforme du ministre des Transports du Québec, Robert Poëti. Celui d'institutionnaliser les «guéguerres» entre maires. Mais il n'est pas trop tard pour l'éviter.

Le projet de loi doit être déposé à l'automne. Il doit être débattu très bientôt par le Conseil des ministres. La réforme est fondée sur des bases solides, car son diagnostic est bon. Le double mandat de l'AMT pose bel et bien problème. Elle planifie l'ensemble des transports collectifs tout en exploitant les trains de banlieue. Cela vient avec le risque de prioriser les trains et de contredire les plans d'autres sociétés de transport, comme celles de Montréal ou Longueuil.

M. Poëti veut remplacer l'AMT par deux nouvelles entités: une Agence régionale des transports, responsable de la planification, et une Régie responsable de l'opération des trains de banlieue et des autobus dans la couronne nord et la Rive-Sud. La gouvernance serait enfin simplifiée. Pour le Grand Montréal, on passerait de 17 à cinq sociétés de transport, et de cinq plans à un seul.

La question, c'est de savoir qui fera ce plan. Les maires veulent ce pouvoir. Ils réclament la moitié des sièges au sein de la nouvelle agence (6 sur 12), en plus de la possibilité d'en recommander le choix du président, nommé par Québec. Or cela violerait la loi, qui stipule que les deux tiers des administrateurs d'une telle agence doivent être indépendants. Et cela empêcherait de développer une vision d'ensemble à long terme pour le réseau. Par exemple, où prolongera-t-on le métro? Quelle est la façon optimale de déplacer les navetteurs au nord de l'île? La réponse s'obtient avec des analyses chiffrées, pas avec des compromis arbitraires entre des maires aux intérêts divergents.

Néanmoins, une présence minimale d'élus est nécessaire pour assurer l'imputabilité. TransLink, l'agence semblable de Vancouver, compte d'ailleurs deux élus parmi ses neuf membres.

Un compromis proposé par Québec semble donc raisonnable: accorder quatre sièges à la CMM en plus du choix de deux experts.

Certes, cette solution ne correspondrait pas aux demandes de Denis Coderre. Mais les demandes du maire, elles, ne se confondent pas avec les besoins de la métropole. Le ministre Poëti devra choisir sa loyauté.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion