Ce sera une longue, longue campagne. La semaine dernière, Hillary Clinton a confirmé qu'elle briguerait l'investiture démocrate. Elle a aussi eu l'idée de manger. Ce fut un burrito, commandé par elle-même. Un papotage national s'en est suivi pour disséquer le lien entre le burrito prolétaire et sa promesse de défendre la classe moyenne.

Pour se rapprocher du peuple, un autre geste serait plus efficace: réformer le financement politique. Même si on en a moins parlé, ce sera un de ses grands «combats», promet-elle. Le scepticisme demeure, toutefois, à cause de son passé et de l'imprécision de son engagement.

Selon le New York Times, Mme Clinton et ses sympathisants amasseront plus de 2 milliards, notamment grâce à Wall Street. C'est, pour rester poli, un paradoxe. Mais à sa décharge, il est inévitable. Pour réformer le système, il faut être élu. Et pour être élu, il faut de l'argent.

La démocrate avait essayé de purger la politique de l'argent en 2001, en votant pour une loi qui limitait les dons aux candidats. Mais, en 2007, elle a au contraire aggravé le problème en devenant la première aspirante candidate présidentielle à refuser le financement public, et le plafond de dépenses qui l'accompagne. Elle a préféré solliciter des dons privés pour pouvoir dépenser sans limites. Tous ses successeurs démocrates et républicains l'ont imité depuis.

Peut-être que la prochaine campagne servira d'électrochoc. Elle s'annonce la plus coûteuse de l'histoire, car la Cour suprême a déréglementé le financement électoral avec de récents jugements controversés, rendus avec une faible majorité de cinq contre quatre.

Depuis 2010, un «comité d'action politique» (super PAC) peut appuyer sans limites une campagne, même avec l'argent de syndicats et d'entreprises. Et des organismes caritatifs peuvent désormais, sous certaines conditions, amasser de petites fortunes en dons anonymes.

Selon la jurisprudence américaine tordue, limiter les dons équivaudrait à limiter la liberté d'expression. Cette vision est idéalisée et naïve. En campagne électorale, les adversaires se battent pour l'attention limitée du public. Plus un groupe parle fort, moins les autres seront entendus. C'est comme si la Cour suprême permettait l'achat d'un mégaphone de 140 décibels, en prétendant que cela n'enterrera pas les autres voix.

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Certes, l'argent ne garantit pas la victoire ni la corruption. Son effet est plus subtil. Il achète un certain accès. Mais cela vient avec deux effets secondaires: la cacophonie des innombrables publicités qui souvent désinforment, et l'impression pour plusieurs que le système dérive vers la ploutocratie.

Dans un pays où la Constitution est un texte patriotique presque sacré, il faudrait, comme le suggère le juriste Lawrence Lessig, se souvenir de cet extrait des Federalist Papers. Qui devrait élire les représentants, y demandait Madison? «Pas plus les riches que les pauvres.»

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