Pour protéger l'industrie de la télévision, il faut l'inciter à développer la meilleure défense: l'innovation. C'est ce qui justifie les réformes majeures annoncées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

La semaine dernière, l'organisme fédéral mettait fin aux forfaits qui imposent un pot-pourri de chaînes, et forcent ainsi les consommateurs à payer pour ce qui ne les intéresse pas. Les forfaits, désormais, devront compter un maximum de 10 chaînes, à un prix plafond de 25 $. De plus, toutes les chaînes spécialisées pourront être achetées à l'unité.

Plus tôt en mars, le Conseil a aussi annoncé l'abolition des quotas de contenu canadien pour les chaînes généralistes, sauf en heures de grande écoute (55% entre 18h et 23h). Les quotas pour les chaînes spécialisées sont quant à eux normalisés à 35%. Autre mesure jetée aux poubelles: l'imposition d'un genre pour certaines chaînes spécialisées, comme la musique à MusiquePlus, en échange de protection contre ses concurrents.

Il n'y a pas eu de commotion, car l'annonce était attendue. Le CRTC en parle depuis deux décennies.

La spécificité de la télévision québécoise ne paraît pas menacée. Les trois quarts du contenu de Radio-Canada et TVA sont déjà québécois. Ces chaînes dépassaient donc largement les quotas, grâce à la demande du public. Ce sont les émissions québécoises, avec leur star-système, qui sont les plus populaires.

Le CRTC devra toutefois rester vigilant. Si jamais le ratio de contenu québécois chute, les quotas devraient être rétablis. Mais cette crainte théorique ne justifie pas de maintenir en vie ailleurs une télévision feuille d'érable confidentielle de catégorie B.

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Même si 85% des ménages canadiens sont encore abonnés au câble et à la télé satellite, l'écoute de la télévision traditionnelle recule lentement dans toutes les catégories d'âge. Et la baisse est plus marquée chez les plus jeunes, à cause de la concurrence de YouTube, Netflix et autres distributeurs en ligne.

L'industrie télévisuelle ne doit pas répéter les erreurs de celle de la musique. Pour survivre à la révolution numérique, elle doit répondre à la compétition en ligne. Les nouvelles normes l'y inciteront. Mais il faudrait aussi qu'elle combatte à armes égales.

Avant même que le CRTC ne se positionne, le gouvernement Harper est venu à la défense de Netflix. Pas question de changer la loi pour forcer la société à cotiser 5% de ses revenus, comme le font les câblodistributeurs, au fonds des médias. Si Netflix y cotisait, elle pourrait en théorie profiter du fonds pour financer des productions canadiennes indépendantes. Une autre hypothèse semble toutefois plus probable: son départ du marché canadien.

La véritable injustice se trouve ailleurs. Comme d'autres détaillants numériques en ligne, Netflix ne paie pas de taxe de vente au Canada. Et grâce à ses stratégies fiscales, elle ne paie pas d'impôts non plus. Certes, régler ce problème sera complexe. Cela requiert des ententes avec d'autres pays. Mais dans sa défense des consommateurs-électeurs, le premier ministre Harper n'en a même pas parlé. C'est un silence gênant.

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