Il y a des boîtes qu'on hésite à ouvrir. C'est le cas du Code du travail, que les syndicats et patrons veulent moderniser, tout en craignant perdre, plus que gagner, au terme du processus. La révision de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE), annoncée la semaine dernière, suscite les mêmes craintes.

La démarche est toutefois nécessaire. La loi a été adoptée en 1972. Elle a, depuis, été bonifiée à plusieurs reprises, mais elle souffre encore à la fois d'une lourdeur administrative et d'un certain laxisme règlementaire.

Pour la paperasse, il y a consensus. L'octroi d'un certificat d'autorisation à une entreprise doit être simplifié.

Le régime actuel est imprévisible, car les exigences varient d'un bureau régional à l'autre. Et il est parfois inutilement complexe. Par exemple, une entreprise qui remplace une machine par un modèle moins polluant doit demander un nouveau certificat, ce qui requiert le feu vert de la municipalité avant de s'adresser au ministère.

Cela peut être corrigé tout en protégeant mieux l'environnement. Trois modifications paraissent nécessaires. D'abord, éviter l'approche à la pièce. Un promoteur ne devrait pas pouvoir saucissonner son projet pour échapper aux seuils de contrôles. Ensuite, éliminer l'opacité. Il est difficile de savoir quand une demande est déposée, ou d'obtenir les documents qui la justifieraient. Enfin, renforcer l'imputabilité. Il est plus facile de contester un refus qu'une autorisation de projet. Le ministre de l'Environnement peut pourtant aussi avoir tort quand il donne le feu vert.

Le ministre actuel, David Heurtel, déposera un livre vert ce printemps, puis un projet de loi à l'automne. Il promet d'intégrer à la loi l'objectif de la lutte aux changements climatiques et les 16 principes du développement durable. Malheureusement, le ministre a profité de cette annonce pour reporter de trois ans le projet de loi espéré sur les milieux humides.

En 2012, un jugement favorable aux promoteurs avait invalidé en partie le régime actuel. Une loi d'urgence avait alors été adoptée pour le maintenir. Elle arrive à échéance le mois prochain.

Le précédent gouvernement préparait un projet de loi pour corriger le régime. M. Heurtel dit avoir besoin plus de temps et prolonge la loi spéciale. Cela se justifierait si le ministre semblait vouloir régler le problème. Mais au contraire, il le banalise.

Le constat est pourtant clair. En vertu de la loi, les agriculteurs et foresteries doivent obtenir un certificat pour altérer ou détruire un milieu humide. Mais on ne leur exige pas. Et en construction, même si les promoteurs demandent tel que prévu un permis, on ne leur refuse presque jamais. À Laval, de 2004 à 2011, chacune des 90 demandes a été acceptée.

Québec ne respecte pas non plus son objectif «zéro perte nette». Selon ce principe, pas encore enchâssé dans la loi, si un promoteur remblaie un milieu humide, il doit en restaurer un autre pour compenser. Mais de 2006 à 2010, 99% de la superficie altérée ou détruite n'a pas été compensée*.

Le ministre conteste ces chiffres. Il en fournit d'autres, dans lesquels il confond la compensation (pour atteindre le zéro perte nette) avec la protection (pour éviter d'aggraver encore plus le problème).

On comprend que les agriculteurs, constructeurs immobiliers et certaines municipalités en quête de revenus fonciers défendent leurs intérêts. Mais M. Heurtel a oublié que c'était leur rôle, pas le sien.

* Situation des milieux humides au Québec, remis en avril 2013 au ministère de l'Environnement

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