La matière sombre n'est pas forcément la première énigme à laquelle on réfléchit au milieu d'un bouchon sur l'échangeur Turcot. La résoudre permettrait tout de même de comprendre la nature de l'univers.

L'Observatoire du Mont-Mégantic (OMM) a contribué à cette quête. En 2009, alors doctorant en astrophysique, Olivier Daigle y a développé la caméra la plus sensible au monde, capable de sonder la matière sombre et de détecter un cancer. La technologie a été achetée par la NASA, en plus de mener à la création de l'entreprise montréalaise Nüvü Cameras.

Voilà un exemple de la recherche menée à l'OMM. La direction prévoyait fermer le 1er avril, par manque de financement. Devant le tollé, le gouvernement conservateur a annoncé une subvention in extremis de 500 000$ pour deux ans. Cela a permis d'éteindre la controverse à la veille de la visite du premier ministre Harper dans la région. Mais rien n'est réglé.

L'OMM vivote depuis 2009. Depuis trois décennies, il recevait un financement prévisible. Puis, le fédéral a décidé de prioriser la recherche appliquée. Industrie Canada a alors modifié les critères du financement du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie. L'OMM a perdu sa subvention de quelque 375 000$, soit le tiers de son budget. Les universités de Montréal et Laval, qui administrent l'endroit, sont incapables d'y pallier.

En 2009, le gouvernement conservateur avait trouvé un diachylon pour calmer la grogne. Même chose en 2011. Et l'histoire continue de hoqueter cette semaine.

Le député conservateur de la région, Christian Paradis, a encore une fois improvisé un sauvetage. Pendant que la direction de l'OMM déplorait au téléphone mercredi sa fermeture, la nouvelle aide était annoncée. Mais on ignore encore de quel programme l'argent proviendra. L'aide devrait être récurrente.

Pour la défendre, pas besoin d'intenter un procès contre la recherche appliquée, comme si les marchands pervertissaient le temple du savoir. La recherche fondamentale et appliquée sont toutes deux nécessaires. Et, surtout, elles sont interdépendantes. C'est d'ailleurs en collaboration avec des entreprises canadiennes que l'OMM a développé une expertise en instrument d'observation.

Cette réussite ne mérite pas le couperet. La somme demandée est loin d'être colossale: un demi-million pour maintenir le plus grand observatoire dans l'est de l'Amérique du Nord.

De plus, l'OMM a prouvé sa pertinence. Avec l'ASTROLab, il éveille la population à la science. Et il forme des générations de chercheurs. Quelque 50 étudiants aux cycles supérieurs et astrophysiciens y mènent des travaux.

Certes, les plus importantes recherches se réalisent en Arizona, au Chili ou à Hawaii, dans l'observatoire cofinancé par le Canada et la France. Mais l'accès à ces grands télescopes est contingenté. Et une nuit d'observation y coûte environ 10 fois plus cher qu'à l'OMM.

Pour que l'Observatoire reste à long terme au sommet de la montagne, le diachylon de M. Paradis ne suffit pas. Il faut un financement récurrent et prévisible, pas une aumône préélectorale.

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