Selon les informations parcellaires disponibles, l'attentat de Saint-Jean-sur-Richelieu semble correspondre à un acte terroriste. Mais pas celui commis à Ottawa.

Le terrorisme est un concept inflammable. Aucune définition politique ou juridique ne fait consensus. Cette ambiguïté le rend facilement récupérable pour attaquer ses ennemis ou promouvoir ses politiques.

Il existe des dizaines de définitions théoriques. Alex Schmid, ancien patron de la prévention antiterrorisme de l'ONU, en a dégagé 12 consensus.

Pour le résumer de façon très synthétique: c'est un acte illégal commis hors des zones de combat par un État, groupe ou individu. La cible est symbolique ou choisie au hasard. Cette cible n'est qu'un moyen pour semer la terreur, dans le but ultime de faire avancer une revendication, démoraliser l'adversaire et recruter des militants. Enfin, le geste s'inscrit ouvertement dans une série d'actions motivées par une cause politique ou religieuse.

Cela s'applique-t-il à Martin Couture-Rouleau, qui a tué un militaire lundi dernier à Saint-Jean-sur-Richelieu? Pour trancher, il faudrait connaître son intention.

Ses problèmes affectifs et financiers ont été documentés. Cela l'aurait rendu vulnérable à l'islam radical. Cette analyse est importante pour comprendre et prévenir les endoctrinements. Mais vulnérabilité ne signifie pas folie.

La relation maladie mentale - terrorisme est complexe. Les deux peuvent se chevaucher. Ce qui importe ici, c'est de savoir si le suspect était rationnel. Si ses croyances, gestes et objectifs étaient cohérents et sincères, ou s'ils résultaient d'un délire. Bref, s'il pouvait poser un geste politique calculé.

On sait que Couture-Rouleau reprenait le discours des djihadistes. Il aurait même voulu se rendre en Syrie pour combattre avec le groupe État islamique (EI). A-t-il voulu servir cette cause en sol canadien? Il ne vit plus pour répondre à cette question. Son meurtre correspond toutefois précisément à l'appel lancé le mois dernier par l'EI.

Certains prétendent qu'une autre idéologie aurait aussi pu rendre Couture-Rouleau violent. Cette hypothèse invérifiable ne change toutefois rien au fait qu'il a tué un militaire au nom du djihad.

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L'attentat d'Ottawa est différent. Il faut résister à l'amalgame «violence + Coran = terrorisme».

Vrai, Michael Zehaf Bibeau s'était converti à l'islam radical, une idée toxique. Mais on ne lui a pas trouvé d'écrits djihadistes comme ceux de Couture-Rouleau. Selon les bribes de témoignages disponibles, son discours était également incohérent et colérique, et il avait un problème de consommation de crack.

Pour l'instant, rien ne permet donc de voir dans son crime un geste politique calculé qui visait à servir une cause, autre que celle de décharger lâchement sa propre colère. Il a ainsi semé la peur, mais le terrorisme réside autant dans les intentions que les conséquences.

Ce qui devrait surtout inquiéter, c'est que la publicité médiatique du premier attentat ait pu contribuer au deuxième. On ne le saura probablement jamais.

Le terrorisme est une forme de propagande violente. Il faudra le combattre avec la prévention, le renseignement et la sécurité - en respectant les libertés civiles - ainsi qu'avec une riposte à sa propagande. En en montrant qu'on ne cède pas à la peur ni à la haine.

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