Les annonces du gouvernement conservateur doivent être décapées. Sous l'épais vernis de partisanerie et de stratégie électorale, on peut y trouver des choses pertinentes.

C'est le cas du recours à la révocation d'un passeport quand cela est « nécessaire pour la sécurité nationale ». Mais pas de la révocation de la citoyenneté canadienne pour ceux qui sont aussi citoyens d'un autre pays.

Ces deux mesures serviraient à empêcher un djihadiste de partir combattre à l'étranger, ou de revenir au pays par après. Ottawa évalue à environ 130 ces illuminés qui ont quitté le pays pour faire couler le sang au nom d'Allah. Il y en aurait près de 30 liés au groupe armé État islamique (EI).

La révocation des passeports existait avant l'arrivée au pouvoir des conservateurs. Elle est néanmoins encore dénoncée par des avocats de l'immigration et les partisans d'une interprétation maximaliste des libertés civiles.

Ils s'appuient d'abord sur la Charte canadienne des droits et libertés, qui stipule que « tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir ». Or, ce n'est pas un droit absolu. Il peut être limité pour un motif « raisonnable ».

D'autres craignent qu'on ostracise la communauté musulmane. Mais c'est un argument pour utiliser la mesure avec tact. Pas pour y renoncer.

L'objectif de cette mesure devrait faire consensus. Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU presse d'ailleurs les pays à se doter de telles protections, ce qu'ont déjà fait, notamment, l'Australie et la France.

D'autres s'inquiètent de l'application de celle-ci. Elle n'a pourtant pas soulevé de vagues dans les dernières années. Et le cas des certificats de sécurité démontre qu'un équilibre peut être trouvé entre sécurité et liberté. Ces certificats permettent d'expulser un non-citoyen qui menace la sécurité nationale. La première mouture du projet contrevenait à la Charte. Ottawa l'a ajustée après 2007. Elle passe désormais le test constitutionnel.

La révocation de la citoyenneté est plus difficile à défendre. A priori, le processus semble mieux encadré. Contrairement aux passeports, il ne s'agit pas d'une décision administrative. C'est une décision d'un tribunal. Une personne doit avoir été reconnue coupable de terrorisme (acte ou complot). Or, le projet pose trois problèmes.

D'abord, la condamnation peut être faite par un tribunal canadien ou étranger. Or, certains pays ont une définition élastique du terrorisme. Les dissidents politiques sont parfois ainsi ciblés. Ensuite, le projet créerait deux catégories de citoyens : le Canadien, et le Canadien qui détient aussi une deuxième citoyenneté.

On pourrait plaider que la menace terroriste justifie cette exception. Mais ce serait éviter de répondre à une autre question. Protégerait-on mieux le Canada en expulsant un terroriste au lieu de l'emprisonner ? Il est possible qu'une poignée de ces détenus pourraient fournir des renseignements précieux à nos autorités.

Quant à ceux qui s'opposent à la révocation des passeports, ils devraient méditer ce célèbre rappel du juge américain Robert Jackson, déjà repris par notre plus haut tribunal : « la Constitution n'est pas un pacte de suicide ».

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