La réforme de Montréal annoncée cette semaine n'est pas la catastrophe décriée par les arrondissements qui menacent de défusionner. Mais elle tourne un peu les coins ronds, assez pour menacer l'atteinte de son but.

Elle visait trois objectifs: rétablir l'équité du financement aux arrondissements sans modifier l'enveloppe globale. Améliorer l'efficacité des services. Et assurer une certaine cohérence dans le développement de la ville.

Le premier volet est le plus controversé. Le diagnostic du problème fait consensus. Il faut modifier le calcul du financement, qui était seulement établi en fonction de l'historique, et qui n'était pas indexé. Mais sous-financement ne signifie pas forcément déséquilibre entre les arrondissements. Pour cela, il faudrait prouver que certains sont financés plus que nécessaire pour offrir un service. Peut-être même que le déséquilibre se trouve entre la ville centre et les arrondissements. Tout ce qu'on sait pour l'instant, c'est qu'on s'apprête à corriger une iniquité en en créant une autre.

Le nouveau calcul de financement, établi en fonction de paramètres complexes, créera des absurdités. Par exemple, le Plateau-Mont-Royal recevra à terme le même financement que LaSalle (compressions de 7,9 millions en 10 ans). Pourtant, il compte plus d'habitants (103 000 contre 75 000 pour LaSalle), et aussi plus de commerces et de touristes.

M. Coderre étalera les baisses sur 10 ans. Cela ne change toutefois pas le coeur du problème. Heureusement, il pourrait se régler en ajustant les paramètres, et le maire a manifesté de l'ouverture. On pourrait notamment accorder plus de poids à la densité et l'achalandage dans le calcul du financement. On tiendrait ainsi compte du fait qu'une rue tranquille coûte moins cher à entretenir.

Le deuxième objectif de la réforme, l'efficacité, est atteint. La ville centre gèrera désormais 52% des voies routières (au lieu de 24%), et récupèrera différents pouvoirs, comme la collecte sélective, la gestion des parcomètres et le déneigement. L'hiver, on n'aurait plus l'impression de changer de pays en changeant d'arrondissement. Reste toutefois à voir si les économies d'échelle promises se matérialiseront.

Le dernier objectif, la cohérence, semble aussi atteint. Le développement économique sera chapeauté par la ville centre. Le démarchage d'entreprises serait facilité. Il ne faudrait toutefois pas ajouter une nouvelle couche de bureaucratie. Ce n'est pas clair pour l'instant. Par exemple, si un restaurateur veut installer une terrasse sur la rue, l'administration Coderre soutient qu'elle se garderait seulement un pouvoir consultatif. Les arrondissements craignent qu'elle se réserve plutôt un droit de veto. De tels cas de figure devront être clarifiés.

Par contre, la spécificité des arrondissements est préservée. Tous les règlements d'urbanisme demeurent sous leur responsabilité. Cela signifie que Rosemont-La Petite-Patrie pourrait poursuivre des politiques audacieuses comme sa récente interdiction de nouveaux commerces avec service au volant.

La réforme Coderre est à la fois nécessaire et perfectible. Le maire pourra la réussir, à condition de fournir plus de preuves que sa simple parole. Il en aura besoin pour rallier l'opposition, qui est majoritaire.

Et il pourra peut-être aussi miser sur le gouvernement Couillard, qui promet de lui transférer de nouvelles compétences, avec de l'argent pour les exercer. La solution à long terme se trouve peut-être dans cette entente à venir.

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