Si la visite d'adieu de Barack Obama a retenu l'attention au « sommet des trois amigos », celle du président mexicain, Enrique Peña Nieto, a permis des débouchés intéressants. C'est toutefois insuffisant pour laisser croire que tout va bien.

Le Mexique va rouvrir ses frontières à l'importation de boeuf canadien âgé de plus de 30 mois ; le Canada abolira les visas pour les Mexicains à partir du 1er décembre.

Vrai que l'imposition obligatoire d'un visa en 2009 a réduit le nombre de Mexicains arrivant au pays et limité le développement d'une « industrie des demandeurs d'asile ». Mais on aurait tort de prétendre que la majorité des réfugiés arrivaient sous de faux motifs. Le Canada se devait de corriger cette mesure injuste.

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Le Canada et le Mexique représentent, l'un pour l'autre, le troisième partenaire commercial en importance. Depuis l'ALENA, le Mexique s'est ouvert au monde, devenant un partenaire stratégique et prioritaire pour nous.

Mais c'est aussi un partenaire embarrassant. Cela, nos gouvernements ne peuvent l'ignorer.

Derrière les images léchées des derniers jours - on a vu le président mexicain et le premier ministre Trudeau courir côte à côte, tout sourire -, le portrait est plus cru dans les chaumières du Mexique.

En 2014, la disparition et l'assassinat de 43 étudiants dans l'État du Guerrero a jeté à la face du monde la réalité quotidienne au Mexique, un pays où les droits de l'homme sont bafoués, qui n'en finit plus de se dépêtrer avec une corruption qui gangrène l'appareil administratif et gouvernemental.

La lutte contre les narcotrafiquants a mené à une flambée de la violence dans plusieurs régions, semant la peur et l'insécurité. Depuis 10 ans, Amnistie internationale dénombre plus de 27 000 disparitions.

Il y a quelques jours, la répression d'une manifestation de professeurs qui protestaient contre la réforme de l'éducation s'est encore soldée par huit morts, selon CNN, et des dizaines de blessés.

Sur la scène internationale, on assiste pourtant au décollage du Mexique qui se classe au 14e rang de l'économie mondiale et qui promet de gravir encore plusieurs échelons. Mais le clivage grandit, avec 46 % de la population - très jeune - vivant dans la pauvreté.

Le président Nieto a certes réussi à faire adopter une dizaine de réformes majeures, mais il a échoué lamentablement à rétablir la sécurité, à lutter contre la corruption et à dissocier son gouvernement des accusations qui ternissent l'image du pays.

Si le Mexique est appelé à prendre une place plus importante dans les relations commerciales, les gouvernements canadien et québécois ont le devoir d'exercer une pression pour améliorer la réalité de la vie quotidienne sous tous ses aspects.

La question des droits de l'homme ne peut est relayée sous le tapis sous prétexte que la situation perdure depuis des décennies. Faire confiance au président mexicain pour changer les choses n'est pas suffisant.