L'opinion publique est une entité diffuse dont la force est pourtant considérable. On le voit dans le dossier de l'oléoduc Énergie Est où l'opposition citoyenne contraint TransCanada à revoir ses méthodes.

À l'approche des audiences du BAPE, elle multiplie les démarches pour offrir une image d'ouverture. Reste à voir si ce sera convaincant. Il ne suffit pas de se montrer à l'écoute de la population, il faut répondre adéquatement à ses inquiétudes et ses interrogations.

Le printemps dernier, la mobilisation populaire avait forcé TransCanada à renoncer au projet de port pétrolier à Cacouna, pouponnière de bélugas. Or, le projet amendé déposé en décembre laisse planer la possibilité qu'un port soit construit ailleurs au Québec, semant l'inquiétude.

« Il n'y aura pas de port au Québec », a tranché catégoriquement le vice-président Québec et Nouveau-Brunswick du projet Oléoduc Énergie Est, Louis Bergeron, en rencontre éditoriale à La Presse cette semaine. Il entend le démontrer « hors de tout doute » devant le BAPE.

C'est l'un des nombreux défis à relever pour rendre le projet acceptable. Que l'on pense aux questions environnementales, aux retombées économiques ou au tracé en lui-même, TransCanada a trop souvent erré en ne répondant pas adéquatement aux questions légitimes des citoyens et des élus.

Le maire de Québec, Régis Labeaume -  pourtant favorable au projet - , a résumé la situation en demandant aux dirigeants « d'être compétents, de ne pas être arrogants et de faire leur travail. » C'est d'ailleurs la mauvaise attitude de TransCanada qui lui a valu, en grande partie, une opposition catégorique de la part des 82 maires de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

On assiste maintenant à un changement de cap. Toutes les décisions concernant Énergie Est au Québec seront désormais prises au Québec... et non plus à Calgary, a déclaré M. Bergeron. Il veut « rétablir les ponts » avec la CMM et doit rencontrer prochainement le maire Denis Coderre. C'est un premier pas.

Sachant que le risque zéro n'existe pas, on peut sourciller devant les déclarations de M. Coderre qui exige « une note parfaite » pour le transport pétrolier par oléoduc, mais qui tait le risque potentiel provenant des trains remplis de pétrole qui traversent aussi les villes de la CMM.

Reste que ses déclarations mettent de la pression sur TransCanada. Quelque 100 des 625 kilomètres d'oléoducs prévus au Québec sillonnent le territoire de la CMM.

Il est impératif de répondre aux questions des élus et de les rassurer quant à la gestion du risque.

Pour ce faire, TransCanada doit commencer par présenter son projet clairement, avec des études en français. Une démarche essentielle pour offrir un portrait complet.

On le constate, l'opinion publique a un poids considérable. Et quand elle menace un projet, l'entreprise n'a pas le choix de s'ajuster. On verra si ce sera suffisant dans ce cas-ci.