Québec consacre des milliards à la réussite scolaire, dont deux milliards uniquement pour les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA). Comment expliquer que leur taux de décrochage soit pourtant trois fois plus élevé que celui de l'ensemble des élèves ?

En cette semaine de la persévérance scolaire, ces chiffres présentés en commission parlementaire par Égide Royer, professeur en adaptation scolaire et spécialiste de la question de la réussite des élèves, ébranlent.

Ils semblent aussi avoir dérouté le nouveau ministre de l'Éducation, Pierre Moreau, qui écoutait les intervenants commenter le projet de loi sur la réforme des commissions scolaires, dont le principal objectif, faut-il le rappeler, est d'améliorer la réussite scolaire.

Le projet de loi 86 vise notamment à donner plus d'autonomie aux écoles et à impliquer davantage les parents, deux ingrédients effectivement essentiels à la réussite des élèves. Mais pour le reste, le brassage de structure proposé laisse dubitatif quant aux chances d'atteindre l'objectif. Car l'organisation des commissions scolaires n'est pas le pire problème du réseau de l'éducation.

Québec souhaite qu'en 2020, 80 % des élèves obtiennent un diplôme ou une qualification au terme de leurs études secondaires. Il reste beaucoup de travail à faire. Le taux de décrochage est toujours l'un des plus élevés au pays.

Comment s'assurer que les 16,9 milliards investis en éducation, deuxième poste budgétaire en importance après la santé, permettent d'atteindre les résultats escomptés ? En ciblant correctement les interventions et en se basant sur les meilleures pratiques reconnues. Ce n'est malheureusement pas le cas actuellement.

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Le Québec n'est pas le seul endroit à se préoccuper de la réussite des élèves, et particulièrement celle des élèves en difficulté. Un récent rapport de l'OCDE révèle que l'ensemble des pays a fait peu de progrès, au cours des 10 dernières années, pour aider les élèves qui éprouvent des difficultés en français, en mathématiques et en sciences. Ces lacunes sont un handicap que les jeunes traînent toute leur vie. Le rapport montre également que les élèves en difficulté sont toujours plus nombreux, accentuant la pression sur le système d'éducation. C'est le cas au Québec où un jeune sur cinq entre dans cette catégorie.

L'une des voies à suivre, dont les bienfaits ont été démontrés, est d'intervenir précocement.

Or, au Québec, le social s'occupe de la petite enfance, l'éducation s'occupe des élèves...et les deux ne se parlent pas. C'est pourtant crucial d'ériger des ponts entre les deux pour que les petits en difficulté soient identifiés et soutenus rapidement. « Il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés », dit d'ailleurs Égide Royer.

Le milieu de l'éducation n'a pas besoin d'un brassage de structure ni d'une réforme. Il a besoin d'une vision qui permettra d'accompagner les jeunes, tous les jeunes, de la petite enfance à l'âge adulte.