La célérité de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à déclarer l'épidémie de virus Zika une « urgence de santé publique de portée mondiale » donne l'impression qu'elle veut faire oublier son intervention apathique et critiquée vis-à-vis du virus Ebola.

La réaction étonne, d'autant plus que ce virus n'a aucune commune mesure avec l'Ebola, extrêmement contagieux et dont la dernière épidémie a fait plus de 11 000 morts. Elle est toutefois légitime. Il faut malheureusement un sentiment d'urgence pour inciter les pays à coordonner leurs efforts, une coordination indispensable avec la mobilité planétaire.

Une vingtaine de pays de l'Amérique latine et des Caraïbes sont touchés ; l'OMS prévoit de 3 à 4 millions de cas cette année, dont 1,5 million seulement au Brésil.

Le virus Zika est pourtant relativement bénin. Seulement le quart des personnes infectées développent des symptômes qui s'apparentent à ceux de la grippe. L'inquiétude vient plutôt du fait qu'au Brésil, la prolifération du virus semble associée à une hausse fulgurante du nombre de microcéphalies - des bébés naissent avec un crâne anormalement petit, associé à des retards mentaux - ainsi qu'à des troubles neurologiques. Le lien n'est pas démontré hors de tout doute, mais il est jugé « probable », ce qui a incité l'OMS à intervenir.

Le Brésil attend ces jours-ci des milliers de visiteurs au carnaval de Rio de Janeiro et sera l'hôte des Jeux olympiques en août prochain. Ce sera alors la saison hivernale, période moins propice à la prolifération des moustiques. Les autorités espèrent avoir endigué l'épidémie d'ici là. Reste que cette dernière s'ajoute à une longue liste de problèmes - violence, problème de qualité de l'air, piètre qualité de l'eau - à quelques mois de l'évènement.

Au Canada, il n'y a pas lieu de s'alarmer. Le risque de contracter le virus est infime, car le climat fait en sorte que les moustiques en cause ne peuvent survivre.

Certaines précautions sont toutefois à prendre et il faut reconnaître que les autorités ont agi avec diligence pour rassurer la population. Ottawa envisage des restrictions pour les donneurs de sang qui auraient voyagé en Amérique du Sud. Il est déconseillé aux femmes enceintes, particulièrement dans le premier trimestre de grossesse, de visiter les pays touchés ou, minimalement, elles doivent prendre les précautions d'usage pour éviter les piqûres de moustique.

Le fait que l'OMS décrète une « urgence de santé publique de portée mondiale » fait toutefois monter l'inquiétude d'un cran. Cette décision ravive la pertinence d'avoir un stade intermédiaire dans l'échelle de gradation, comme cela a déjà été proposé. Et ça ne soustrait pas la communauté internationale à la nécessité de créer un fonds d'urgence pour affronter de telles crises de santé publique.

Il y a aussi un danger à crier au loup. Mais en agissant comme elle l'a fait, l'OMS a au moins le mérite de mobiliser les forces pour agir, prévenir les cas d'infection en informant les populations et accélérer la recherche pour un vaccin ou un traitement qui, malheureusement, n'a jamais autant d'intérêt qu'en pleine crise.