Ce n'est pas parce qu'une campagne électorale est longue qu'elle est instructive et bénéfique. C'est plutôt un excellent moyen d'attiser le cynisme et le désintérêt des électeurs.

En ce 14e jour d'une campagne qui en durera 78, on a la nette impression que pour bien des Canadiens, il s'agit seulement d'une autre journée à biffer sur le calendrier, en attendant que l'intérêt soit au rendez-vous.

Il faudra pourtant y arriver, car la finalité d'une campagne électorale est de faire connaître les intentions des partis pour favoriser un choix éclairé dans l'urne. Mais le taux de participation, qui diminue d'élection en élection, est un signe qui n'est guère encourageant.

Quand un processus électoral devient une manoeuvre électoraliste, comme ce déclenchement hâtif et calculé de la part des conservateurs, ce n'est rien pour aider.

On peut d'ailleurs se demander si la campagne, dans la forme traditionnelle qu'on lui connaît, n'est pas en train de disparaître.

Les images sont toujours plus léchées. Le contrôle du message frise l'obsession ; le Parti conservateur exige que les participants soient inscrits pour assister aux assemblées partisanes. Des politiciens - Thomas Mulcair l'a fait au lancement de sa campagne - refusent de répondre aux questions des journalistes. Plusieurs préfèrent diffuser leur message, sans filtre, sur les réseaux sociaux.

La valse-hésitation entourant les débats est néfaste. S'ils constituent un exercice parfois fastidieux, ils sont pourtant essentiels. C'est l'occasion pour les électeurs d'avoir une vision d'ensemble qui s'éloigne des annonces quotidiennes contrôlées de chaque parti. Pour certains électeurs, c'est même l'occasion de se forger une opinion définitive.

Comment ne pas tomber dans le cynisme quand on voit des chefs négocier leur participation, et d'autres être laissés de côté ? Sans compter que l'organisation d'un premier débat, à peine cinq jours après le déclenchement de la campagne, au coeur de la période estivale, est discutable.

Les cotes d'écoute, télévisées et sur l'internet, ont d'ailleurs récolté à peine 40 % de celles obtenues lors du débat diffusé par le consortium des médias en 2011, témoignant de cette indifférence.

Devant cet enthousiasme tiède ambiant, il ne faut pas s'étonner de l'attention qu'a reçue la reprise du procès de Mike Duffy cette semaine. On peut douter, toutefois, que cet enjeu soit déterminant le jour du vote.

Parmi toutes ces considérations, il ne faut pas oublier que la décision de Stephen Harper de plonger le pays en élections pendant 11 semaines permet de rehausser le plafond de dépenses électorales... alors que le Parti conservateur est celui dont les coffres sont les plus garnis. Et comme il peut échelonner les dépenses comme bon lui semble, un parti peut économiser en début de campagne pour bombarder les électeurs de publicités la veille du scrutin.

Les électeurs, les contribuables, ne sont pas crédules, mais c'est la démocratie, malheureusement, qui perd au change.