Indignés de voir leur conduite dictée par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, des médecins menacent d'aller travailler dans le privé hors RAMQ. Il faut les prendre au sérieux, sans pour autant remettre en question le projet de loi 20.

Ce dernier a le mérite d'avoir servi d'électrochoc; l'objectif est de garantir à la population l'accessibilité à un médecin et une meilleure prise en charge. Un hypothétique exode de masse vers le privé, présenté comme une dissension des médecins face au projet de loi, est une distraction dans le débat.

La tendance à se retirer du régime public n'en est pas moins réelle. Elle suscite l'inquiétude du gouvernement et le malaise des fédérations de médecins. En 2005, une cinquantaine de médecins étaient non participants au Régime de l'assurance-maladie du Québec. Ils sont aujourd'hui environ 300 spécialistes et omnipraticiens. La proportion demeure négligeable: à peine 2% des médecins de famille pratiquent dans le privé. Mais l'intérêt grandissant n'est pas de bon augure.

Les gestionnaires de lucratives cliniques privées font miroiter aux médecins un revenu plus élevé, une meilleure qualité de vie et une charge de travail moins lourde, loin des tracasseries administratives. Même de jeunes médecins fraîchement formés sont attirés par cette pratique exempte de contraintes.

La clientèle de patients visés regroupe des travailleurs de tous les milieux, qui font le choix de payer pour avoir des soins plus rapidement, mais la majorité des cliniques privées hors RAMQ font surtout de la médecine «préventive» auprès de professionnels en bonne santé.

Cela explique le malaise. La profession de médecin implique intrinsèquement une responsabilité sociale. La prestation de soins n'autorise aucune discrimination: jeunes, vieux, malades chroniques, patients vulnérables.

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En 2013, l'ancien ministre Réjean Hébert s'était ouvertement inquiété de cette tendance vers le privé. Un décret ministériel - qui n'a jamais servi - a même été rédigé. La loi prévoit en effet que le ministre peut suspendre, pour une période définie, la possibilité pour les professionnels de la santé de devenir non participants s'il estime que la couverture de soins n'est plus suffisante.

Dans le contexte actuel du projet de loi 20, ce serait une erreur d'utiliser ce recours pour contrer la menace brandie par quelques médecins, d'autant plus que cela aggraverait encore plus l'antagonisme grandissant entre eux et le gouvernement.

Le ton disgracieux des dernières semaines est contreproductif. Le ministre Barrette y a contribué avec des déclarations explosives sur la place publique et les réseaux sociaux. À la veille d'une commission parlementaire, nécessaire pour apporter des modifications qui rendraient le projet de loi acceptable pour tous, il est impératif de rétablir un climat propice à la négociation et aux discussions.

Gardons en tête l'essentiel: il faut trouver des solutions durables au manque d'accessibilité et de prise en charge.