Vêtus de costumes d'époque et défilant à bord de calèches, des enseignants ont dénoncé hier un retour au tournant du XXe siècle, à l'époque des Filles de Caleb.

Pour illustrer ce qu'ils qualifient de reculs en éducation, ils ont choisi une image symbolique. Malheureusement, l'exagération n'est pas l'outil le plus efficace pour mettre en évidence des problèmes bien réels.

La composition des classes est l'un des enjeux actuels de l'enseignement et il figure au coeur des négociations qui s'amorcent entre Québec et ses enseignants.

Publiquement, il a beaucoup été question jusqu'à maintenant des ratios maître-élèves, mais les particularités propres à chaque enfant contribuent, elles aussi, à alourdir la tâche des enseignants.

Dyslexie, retard d'apprentissage, trouble de comportement... Le nombre d'élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) a considérablement augmenté depuis dix ans. Aujourd'hui, la proportion est de près d'un élève sur cinq.

La partie patronale propose de mettre fin à la «pondération à priori» qui fait en sorte qu'un jeune EHDAA peut compter pour plus d'un élève dans la composition d'une classe.

Québec veut mettre fin à «l'automatisme» en dégageant une marge de manoeuvre qui lui permettrait d'agir «localement». Tous les enfants n'ont pas les mêmes besoins. Malgré leurs difficultés, certains réussissent bien en classe et n'ont pas besoin d'être comptabilisés pour plus d'un élève.

L'idée se défend, mais les garanties offertes par Québec pour justifier ces changements sont minces, pour ne pas dire inexistantes. Les syndicats ont bondi. Ils auraient intérêt, toutefois, à réagir avec plus de justesse. Ils devraient dire clairement qu'à l'heure actuelle, la pondération ne concerne pas tous les élèves handicapés ou en difficultés.

En fait, elle ne vise que trois catégories: les élèves avec des troubles psychopathologiques, ceux avec des troubles de comportement graves et, enfin, ceux présentant des troubles envahissants du développement (TED). Les deux premières sont plutôt rares dans les classes ordinaires alors que la troisième est en croissance. Malgré tout, les trois ne comptent que pour une petite partie des EHDAA.

Québec semble toutefois remettre en question d'autres mesures concernant les élèves handicapés ou en difficulté, notamment des gains financiers ou en ressources humaines obtenus lors des deux dernières négociations.

Est-ce pour essayer autre chose? Mais quoi? On ne le sait pas clairement. Des ressources ont été ajoutées au fil des ans, mais sur le terrain, les enseignants et les directions affirment toujours que les besoins sont criants. Et malgré les mesures mises en place, à peine un élève handicapé ou en difficulté sur quatre obtient son diplôme d'études secondaires.

Sans aucun doute, l'enjeu des EHDAA figure au coeur des revendications des enseignants pour améliorer leurs conditions de travail. Les négociations s'annoncent longues. Pour obtenir l'appui de l'opinion publique, le gouvernement aurait intérêt à expliquer plus clairement ses intentions. Quant aux enseignants, ils devraient décrire leur réalité au lieu de se livrer au théâtre et à l'hyperbole.