Nous l'oublions trop souvent. En médecine, prendre la décision de ne pas intervenir, c'est déjà faire quelque chose. Cet acte médical est difficile à poser pour le médecin et pénible à accepter pour le patient, mais il est nécessaire.

Il faut renverser la tendance actuelle qui est plutôt au surdiagnostic. « Il survient quand, chez une personne, on diagnostique une maladie qui ne causera jamais ni symptôme ni mort, ou qu'on pose tout geste qui n'apporte pas de valeur ajoutée à un traitement. »*

Trop de tests, de procédures ou de médication s'avèrent non seulement coûteux, mais également néfastes pour le patient.

Une prise de conscience mondiale est en train de se faire autour de cette question. Quelque 500 participants issus d'une vingtaine de pays en ont discuté à la mi-septembre, en Angleterre, lors de la 2e Conférence internationale sur la prévention du surdiagnostic. Une délégation de l'Association médicale du Québec était présente, elle qui vient de dévoiler un plan d'action.

De 17 à 30 % des interventions réalisées aux États-Unis sont inutiles, a démontré une compilation d'études réalisée par l'Institute for Healthcare Improvement. En chiffrant cette proportion à 18 % ici, l'Association médicale du Québec estime que des économies de 5 milliards sont envisageables.

La cible est élevée, d'autant plus que les économies potentielles sont généralement surestimées. Il n'en demeure pas moins que toute réduction, quelle qu'elle soit, aura un impact positif sur les finances.

Le problème semble facile à cerner, mais s'y attaquer représente tout un défi. Le patient qui voit enfin le médecin s'attend à ce qu'il lui prescrive un médicament ou un examen. Il ne veut pas entendre que le « temps » fera disparaître son malaise. Quant au médecin, c'est souvent plus rapide de signer un papier que de se lancer dans de longues explications.

Le surdiagnostic a pourtant des conséquences néfastes sur la santé des patients. Les examens d'imagerie et de radiographie causent des radiations qui peuvent, à la longue, être nocives. Des tests permettent aussi de détecter des anomalies sans danger qui plongent néanmoins le patient dans une spirale d'examens plus poussés, ce qui entraîne stress et inquiétude. Quant à la surmédicalisation, elle provoque des effets secondaires importants. Est-il nécessaire de prescrire un médicament contre l'hypertension à un patient de 85 ans qui présente des symptômes mineurs, sachant que ce médicament entraîne des ralentissements importants du système cognitif qui risque d'avoir des conséquences plus importantes ?

Malgré sa complexité rébarbative, il est nécessaire de s'attaquer au surdiagnostic. C'est une question d'argent, mais aussi de bien-être. Trop vouloir en faire peut rendre malade. Pour inverser la tendance, la sensibilisation de la communauté médicale et de l'ensemble de la société est nécessaire. Cette sensibilisation passe par une volonté gouvernementale, comme nous le verrons demain.

* Définition tirée du document Le surdiagnostic : constats et plan d'action, Association médicale du Québec, août 2014.