Dans la société québécoise contemporaine, où la religion a été reléguée à l'arrière-scène, rarement le décès d'un prêtre aura suscité autant de témoignages de sympathie que celui de Raymond Gravel.

Il faut dire que l'abbé Gravel, qui s'est éteint hier, incarnait le progressisme, l'ouverture et la tolérance qui font malheureusement trop souvent défaut à l'Église catholique.

Certains pourraient s'étonner. L'abbé Gravel n'était pourtant qu'un simple prêtre, lui qui officiait depuis 1986 dans la paroisse de Joliette. C'était aussi l'aumônier des pompiers de Montréal.

Il a même été, brièvement, politicien. Élu député bloquiste en 2006, il a vite dû choisir entre l'Église et la politique. Il est alors rentré au bercail, non sans un petit déchirement.

Et pourtant... L'abbé Gravel était une figure connue du public. Non seulement connue, mais aimée, adulée et respectée. La raison est simple : c'était un humaniste et un homme de conviction. Ce prêtre atypique a su rallier les pratiquants comme les non pratiquants parce qu'il ne jugeait pas.

Par contre, il n'a jamais hésité à susciter le débat et la réflexion, comme en témoignent ses nombreuses prises de position souvent à contre-courant des orientations conservatrices de l'Église catholique. Au fil des ans, l'abbé Gravel s'est prononcé en faveur de l'ordination des femmes et des hommes mariés. Il a pris la défense des homosexuels. Il a reconnu le travail du Dr Henry Morgentaler et soutenu l'option de l'avortement en cas de viol.

Même malade, il a fait entendre sa voix dans le débat sur la Charte des valeurs. Il a aussi donné son appui au projet de loi sur l'aide médicale à mourir, qui a finalement été adopté en juin à l'Assemblée nationale. C'est un projet de loi « rassurant » pour des malades dont l'agonie n'en finit plus, avait-il dit à l'émission Tout le monde en parle, en novembre dernier.

Il y a quelques jours à peine, il a signé un texte dans nos pages pour dénoncer l'attitude du Parti conservateur dans le conflit israélo-palestinien.

Raymond Gravel se savait condamné depuis près d'un an par ce cancer du poumon qui avait atteint le stade le plus avancé, au point de gruger ses os. Il a mené son dernier combat à l'image de la vie qu'il a vécue, c'est-à-dire en assumant pleinement son rôle dans la société.

Il rêvait de rencontrer le pape François. Peut-être parce que tous les deux s'inscrivent dans un courant plus progressiste qui, à la longue, pourrait faire évoluer les mentalités.

L'humanisme dont l'abbé Gravel a toujours fait preuve est sans doute son plus grand legs. L'Église catholique, qui voit ses fidèles la déserter au Québec, pourrait s'en inspirer.