On ne peut plus planifier les infrastructures routières comme à l'époque de la série américaine Mad Men, c'est-à-dire comme dans les années 60.

C'est en gros le message du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) dans son rapport sur la reconstruction de l'échangeur Turcot, rendu public hier.

 

Le BAPE fait écho à la centaine de mémoires présentés le printemps dernier et qui allaient majoritairement dans le même sens: profitons de cette reconstruction pour concevoir une infrastructure routière moderne, en harmonie avec les principes de développement du XXIe siècle.

Des associations de résidants aux groupes environnementaux en passant par le président de la STM, Michel Labrecque, ainsi que le responsable du dossier transport à la Ville de Montréal, André Lavallée, tous avaient prié la ministre Julie Boulet et ses fonctionnaires d'être davantage à l'écoute des besoins montréalais. En vain. Le ministère des Transports étant ce qu'il est - un ministère qui veut avant tout faciliter les déplacements routiers - on avait à peine modifié le projet initial, ajoutant çà et là un peu de verdure ainsi qu'une voie réservée aux autobus sur l'autoroute 20. Comme si le gouvernement québécois n'avait jamais adopté sa loi sur le développement durable...

Ce n'est donc pas une surprise si le BAPE dénonce le manque de vision du ministère des Transports et le prie de retourner à sa table à dessin.

Parmi les nombreuses recommandations du rapport, on souhaite un meilleur contrôle de la pollution sonore, visuelle et atmosphérique. On propose aussi une meilleure intégration des transports collectifs. On suggère aux villes de Montréal et de Westmount de trouver une solution qui éviterait la démolition de 166 logements et l'expropriation de leurs occupants. Enfin, on croit qu'il faut éviter la construction en remblai entre les rues Saint-Patrick et de La Vérendrye, question de ne pas créer d'enclaves supplémentaires dans ce quartier.

Ce rapport rejette donc purement et simplement la vision tout-à-l'auto telle que véhiculée par le ministère des Transports. Il dénonce également la désinvolture dont a fait preuve ce ministère à l'endroit des populations riveraines et recommande une meilleure collaboration entre les différents partenaires. En cela, il rejoint parfaitement les préoccupations que nous avons exprimées au cours de la dernière année. La reconstruction de l'échangeur Turcot doit être l'occasion de mettre en application les belles paroles des dernières années à propos des transports collectifs, mais aussi du design et d'une planification urbaine à l'échelle plus humaine. Le BAPE sera-t-il entendu? Par le passé, plusieurs rapports de cet organisme se sont retrouvés sur une obscure tablette à accumuler la poussière. Il faut souhaiter que la ministre Line Beauchamp sache défendre son rapport avec vigueur et convaincre sa collègue, Julie Boulet, de modifier son projet. La qualité de la vie à Montréal en dépend.