S'il y a une conclusion qui se dégage des audiences du BAPE sur la reconstruction de l'échangeur Turcot, c'est que le projet ne pourra se réaliser sous sa forme actuelle.

La majorité des mémoires présentés cette semaine vont dans le même sens: il faut faire une plus grande place aux transports collectifs. Et on ne pourra pas ignorer l'argument en disant qu'il s'agit de l'opinion d'une poignée d'écolos anti-auto: tout le monde, de la Ville de Montréal à la Direction de la santé publique en passant par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, réclame une meilleure intégration des transports en commun.

Il y a donc un fossé qui sépare les fonctionnaires du ministère des Transports de la plupart des intervenants qui ont pris la parole cette semaine. D'un côté, une vision très conservatrice basée sur le béton et le déplacement des véhicules, et de l'autre, une volonté réelle de profiter de la reconstruction de l'échangeur pour réaliser un projet urbain significatif.

C'est cette volonté qui doit l'emporter.

Le Ministère aurait dû consulter davantage avant de soumettre un projet aussi peu évolué. Une plus vaste consultation, accompagnée d'une meilleure écoute, lui aurait fait gagner du temps. Car il est évident aujourd'hui que si le BAPE et le MTQ veulent conserver leur crédibilité, les fonctionnaires devront retourner à leur table à dessin. Ce projet est trop important pour tourner les coins ronds. Le prochain échangeur Turcot doit absolument refléter les préoccupations et les réalités du XXIe siècle.

Dans les faits, cela signifie non seulement une meilleure intégration des différents moyens de se déplacer, mais également une vision beaucoup plus large de l'aménagement du territoire. Comme l'a déclaré avec beaucoup d'éclat le directeur de la santé publique de Montréal, Richard Lessard, «Montréal n'est pas un champ de blé d'Inde».

Cette déclaration cinglante vise bien entendu la désinvolture avec laquelle le MTQ a évoqué l'expropriation de plusieurs résidants riverains de l'échangeur. Cet aspect-là du projet devrait également être revu afin de minimiser les impacts. La Ville de Montréal estime que c'est possible.

Le MTQ devrait également faire preuve d'un peu moins de dogmatisme à propos de la construction sur talus. Cette méthode s'avère peut-être plus économique à certains endroits, mais dans des cas précis, on pense entre autres au quartier Côte-Saint-Paul, il y a unanimité sur les effets d'enclavement que des talus susciteraient.

Enfin, l'autre aspect crucial du projet de reconstruction de l'échangeur Turcot a trait à son mode de réalisation. Le partenariat public-privé est-il vraiment la meilleure solution dans ce cas précis? La Ville de Montréal a exprimé, avec raison, ses réticences. On ne s'attaque pas à un projet de cette envergure, et qui aura un tel impact pour des années à venir, avec une montre en main.

Oui, il y a urgence à reconstruire l'échangeur avant qu'un morceau de béton ne se détache et tombe sur une voiture. Cette urgence ne doit toutefois pas justifier qu'on rogne sur les aspects plus avant-gardistes de l'ouvrage. De l'avis de plusieurs, le mode PPP ne permet ni latitude ni flexibilité.

Voilà l'occasion de réaliser un projet marquant pour Montréal. Ne laissons pas cette chance passer.