Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, est en colère, une colère noire qui se retrouvait à la une de tous les médias hier. Il a raison d'être fâché. Encore une fois, son administration est nommée dans une enquête policière. Encore une fois, le mot «corruption « est prononcé. Colère justifiée, donc, qui devrait toutefois être redirigée vers la bonne cible. Plutôt que de s'attaquer à La Presse, le maire de Montréal devrait s'en prendre à ceux qui minent la crédibilité de son administration, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou d'entrepreneurs embauchés par la Ville. Ce sont eux qui sont à blâmer.

À l'heure actuelle, la stratégie des spécialistes en communication qui entourent le maire est d'attaquer le messager, c'est-à-dire le média qui dévoile la nouvelle. Aujourd'hui c'est La Presse, demain ce sera peut-être Radio-Canada ou The Gazette. Hier, cette stratégie a porté fruits puisqu'on parlait davantage des états d'âme du maire que des faits rapportés et qui sont les suivants : la Sûreté du Québec enquête sur un contrat accordé par la Ville. Voilà les faits. Il s'agit de la sixième enquête demandée au cours des cinq dernières années. Voilà un autre fait.

À long terme, toutefois, cette stratégie ne peut être viable. Les Montréalais ne sont pas dupes. Ils ont peut-être confiance en leur maire, ils ne remettent peut-être pas en question son intégrité personnelle mais en même temps, ils s'attendent à ce que M. Tremblay fasse davantage pour purifier l'air autour de lui que de piquer des colères devant les caméras de télévision.

Lundi, le maire de Montréal a déclaré : on le sait depuis longtemps qu'il y a de la corruption. M. Tremblay termine son deuxième mandat. Qu'a-t-il fait, quelles mesures a-t-il prises pour assurer les Montréalais que cette façon de faire ne soit pas encouragée ni même tolérée? Quel est son bilan après huit ans au pouvoir en matière de lutte contre la corruption?

En entrevue à Radio-Canada, le maire a déclaré : ça fait huit ans que je travaille à faire le ménage. S'il y a des enquêtes, c'est parce que nous avons agi, a-t-il dit au journaliste Patrice Roy. Dans les faits, le maire ou la Ville ont demandé une enquête policière dans deux cas: celui des services informatiques et celui du contrat de réfection du toit de l'hôtel de ville rapporté lundi dans nos pages. Dans le dossier des compteurs d'eau et de la SHDM, c'est à la suite de reportages dans les médias que le maire a demandé au vérificateur général d'enquêter. Le maire n'a pas agi, il a réagi.

Depuis plusieurs mois, le maire de Montréal est en mode réaction face aux nombreux scandales qui s'abattent sur son administration. On ne sent pas qu'il maîtrise la situation.

M. Tremblay a choisi de personnaliser le débat alors que c'est l'ensemble de l'administration municipale qui est remise en question et non son intégrité personnelle. Cette attitude n'est pas souhaitable. Elle ne contribuera pas à améliorer l'éthique dans le monde municipal et surtout, elle créé un climat malsain à l'approche du début officiel de la campagne électorale.

Il faut souhaiter que l'été qui est à nos portes soit l'occasion, pour les esprits échauffés, de retrouver leur calme. La priorité doit être mise non pas à faire de la gestion d'image dans les médias, mais plutôt à s'assurer que la Ville soit bien gérée, dans l'intérêt de tous les citoyens. Ultimement, c'est ce que tout le monde souhaite pour Montréal.