Faudra-t-il ajouter un nouveau chapitre aux fameux cours prénataux que plusieurs parents suivent durant la grossesse? Il pourrait s'intituler: comment accoucher sans infirmière ni médecin.

On peut bien sourire, mais la situation qui a été rapportée dans nos pages cette semaine est loin d'être amusante. Un couple qui attendait son premier enfant a accouché sans aucune aide médicale alors qu'il se trouvait au département d'obstétrique de l'hôpital Royal Victoria.

 

On avait administré du Cervidil à la jeune femme. Le travail s'est déclenché rapidement. Le futur père a appuyé sur la sonnette d'appel à plusieurs reprises durant 20 minutes, en vain. Une infirmière s'est finalement pointée pour repartir aussitôt. Elle n'est pas revenue. Le futur père a donc accouché sa conjointe du mieux qu'il a pu, sans aucune préparation et surtout, sans la présence du personnel médical. Le cauchemar.

On dira que certaines femmes accouchent sans crier gare et qu'on a déjà vu des femmes donner naissance à leur bébé dans des taxis et des voitures de police. Soit. On dira aussi que «dans l'ancien temps», on n'avait pas besoin d'un médecin pour mettre un enfant au monde, on faisait ça à la maison avec la voisine... On veut bien.

Mais la réalité c'est que cette jeune femme n'avait aucune intention de se rejouer un épisode des Filles de Caleb. Elle avait choisi d'accoucher à l'hôpital entourée des équipements médicaux dernier cri et en présence d'infirmières et, dans le meilleur des cas, d'un médecin, Elle s'est retrouvée seule, sans aide, le corps déchiré de douleur par les contractions, à se mordre les lèvres pour ne pas faire de bruit et réveiller ses voisines de chambre (!)...

C'est tout bonnement inacceptable.

La situation est d'autant plus aberrante que le jeune couple ne se trouvait pas dans un hôpital de brousse, au fin fond des bois ou dans la jungle amazonienne. L'hôpital Royal Victoria se situe en plein coeur du centre-ville de Montréal, et fait partie du centre universitaire McGill, un des fleurons de notre réseau universitaire. Aurait-il été préférable que les parents composent le 911 pour qu'on leur prête assistance?

Aujourd'hui, c'est une fin somme toute heureuse qui nous est racontée puisque le petit Kristophe est né en santé et qu'il se porte bien, grâce au sang-froid de ses parents.

Sa naissance aurait toutefois pu se dérouler fort différemment. Imaginons un instant que le père ait perdu conscience et qu'il n'ait pu aider sa conjointe à accoucher. Ou qu'il y ait eu complications chez la mère (hémorragie) ou chez le poupon (le cordon ombilical enroulé autour du cou par exemple). On serait aujourd'hui devant un drame incompréhensible que l'hôpital pourrait difficilement justifier.

Heureusement, il n'en est rien. Cela ne signifie pas qu'il faille enterrer l'histoire pour autant. «Il y a eu de l'aide appropriée pour la mère et l'enfant», a déclaré un porte-parole de l'hôpital. Voyons donc! C'est tout le contraire qui s'est produit. Et malgré cela, les jeunes parents conservent une attitude exemplaire, faisant preuve de calme et de dignité.

La moindre des choses serait de leur présenter des excuses. Publiquement.

nathalie.collard@lapresse.ca