Les dernières données concernant les accouchements au pays suscitent plusieurs réflexions. L'enquête canadienne sur l'expérience de la maternité révèle que les accouchements seraient surmédicalisés au Canada, en particulier au Québec, où on a davantage recours à la péridurale et à la césarienne.

Or, l'intervention médicale, qu'il s'agisse du monitoring foetal, du déclenchement du travail ou de l'anesthésie, n'ont pas que des effets positifs (le soulagement de la douleur dans le cas de la péridurale). Ils augmentent également le risque de complications.

 

Le Québec se distingue en outre des autres provinces par son faible recours aux sages-femmes. Au cours de l'année 2006-2007, seulement 2,6% des accouchements ont eu lieu à l'aide d'une sage-femme.

Comment expliquer cette surmédicalisation de l'accouchement? Plusieurs pistes ont été proposées, à commencer par le manque de médecins et, conséquemment, le peu de temps qu'ils ont à consacrer à leur patiente en salle d'accouchement. Autre piste: les préjugés à l'endroit des sages-femmes, longtemps alimentés par la méfiance de certains médecins. On note aussi que les futures mères gagneraient à être mieux informées durant toute leur grossesse. Enfin, certains se demandent si l'accélération de notre rythme de vie ne fait pas en sorte que l'accouchement soit devenu un événement à ranger dans une petite case de l'agenda, vite fait bien fait.

Ces pistes sont intéressantes et expliquent, en partie, les statistiques dévoilées cette semaine. Mais il y a d'autres questions auxquelles l'étude ne répond pas et qui mériteraient d'être explorées dans un contexte autre que celui d'une enquête statistique.

Par exemple, la fermeture d'esprit de certains spécialistes qui gagneraient à s'ouvrir aux alternatives. Si les généralistes sont rendus à proposer à leurs patients un peu de yoga et de méditation avant de prescrire la petite pilule pour les brûlements d'estomac, il y a des obstétriciens qui gagneraient sans doute à être moins conservateurs dans leur approche de l'accouchement.

Enfin, certains de nos comportements s'expliquent aussi à la lumière de faits historiques.

Dans son ouvrage Un Québec en mal d'enfants, l'historienne Denyse Baillargeon se penche sur les débuts de la médicalisation de l'accouchement au Québec. Elle rappelle qu'à l'époque, il fallait réduire le taux de mortalité infantile et améliorer les conditions dans lesquelles les femmes accouchaient. Mme Baillargeon note également que les accouchements ont été pris en charge par des associations privées confessionnelles (on n'a qu'à penser aux soeurs de la Miséricorde!) et que, de façon générale, cela ne s'est pas fait contre la volonté des mères, mais bien avec leur participation.

Y aurait-il là, dans la présence du religieux à l'accouchement, quelque chose qui explique que les femmes se soient éloignées d'un contexte plus «naturel», plus près du corps? Qu'elles ont en quelque sorte «abdiqué» leur expertise et leur toute-puissance maternelle aux mains des médecins et des infirmières? Est-ce que cela pourrait expliquer qu'encore aujourd'hui, les médecins exercent une sorte d'autorité naturelle sur les femmes enceintes? Voilà des questions qui mériteraient d'être explorées afin de mieux comprendre nos attitudes et nos décisions face à l'accouchement.