On ne peut pas dire que la manifestation qui a eu lieu dimanche pour dénoncer la brutalité policière ait fait avancer le dialogue ou la réflexion.

Dès les premières secondes, le rassemblement, qui n'a attiré que quelques centaines de personnes malgré le beau temps, a été le théâtre de gestes agressifs à l'endroit des policiers. Bâtons, balles de golf, pierres, peinture... Les manifestants n'avaient pas encore fait un pas qu'on comptait déjà une dizaine d'arrestations «préventives». Visiblement, des groupuscules cherchaient l'affrontement avec les forces de l'ordre. «S'il n'y avait pas de casse, personne ne parlerait de nous», a déclaré l'un des participants. Que dire de plus? Personne ne nous convaincra que l'agressivité et la provocation sont les bonnes façons de dénoncer la brutalité, qu'elle soit policière ou autre.

Cela dit, ce n'est pas parce que l'événement était désorganisé et qu'il n'a mené nulle part qu'un débat public autour des méthodes policières n'est pas pertinent. Au contraire. L'affaire Villanueva (ce jeune homme mort l'an dernier lors d'une intervention policière) a laissé des blessures, et pas seulement auprès des jeunes de Montréal-Nord. Nombreux sont les Montréalais qui voudraient mieux comprendre ce qui s'est passé ce soir d'août. Nombreux sont ceux et celles qui souhaiteraient qu'on débatte des méthodes employées par le Service de police de la Ville de Montréal, qu'on discute des relations entre les forces de l'ordre et les jeunes ainsi que de profilage ethnique. Bien des questions demeurent en suspens et mériteraient d'être débattues sur la place publique.

L'affaire Villanueva ne fait pas de Montréal une ville «à problèmes» pour autant. Les relations entre les citoyens et les policiers y sont plutôt bonnes. Et les plaintes contre les services de police sont en baisse: pour l'année 2007-2008, on a enregistré 10 plaintes contre la Sûreté du Québec et 15 contre le SPVM. Le climat social de la métropole demeure enviable. Dimanche, sur les ondes du Réseau de l'information, le criminologue Jean-Paul Brodeur notait que l'internet joue un rôle dans la perception qu'ont les jeunes de la brutalité policière. Que le visionnement en boucle d'une scène sur YouTube - les images des émeutes d'août dernier, par exemple - peut créer une fausse impression.

Si on est en droit de critiquer les comportements provocants de certains agitateurs, on peut également remettre en question certaines méthodes employées par les policiers. Il faut se souvenir du Sommet de Montebello, en 2007, lorsque des manifestants ont identifié au moins trois policiers dans leurs rangs. Les détails de documents internes de la Sûreté du Québec, dont Le Devoir a fait mention samedi, n'ont rien de rassurant. On confirme qu'environ 35 policiers ont pris part à l'opération Flagrant délit et qu'au moins trois d'entre eux ont agi en provocateurs lors des manifestations. Le masque qui recouvre le visage et la pierre à la main sont-ils des «accessoires» justifiables pour un policier? s'interroge, avec justesse, le professeur de l'UQAM Francis Dupuis-Déry. Il y a des questions qui doivent être posées dans le cadre d'une enquête publique. Malheureusement, des démonstrations de violence comme celle d'hier ne suscitent pas une discussion constructive.