Habituellement, on se plaint que les choses ne vont pas assez vite. Dans le cas du futur Quartier des spectacles, voilà qu'on se demande si ça ne va pas trop vite. Si on ne serait pas en train de sacrifier l'audace et l'originalité dans le seul but de respecter une échéance?

Ces questions, fort pertinentes, ont été lancées la semaine dernière par le pdg du festival Juste pour rire, Gilbert Rozon. Ce dernier a livré un vibrant plaidoyer en faveur des créateurs. À ses yeux, ils sont la carte de visite de Montréal à l'étranger. C'est sur cette force que la ville doit miser. M. Rozon estime que la créativité devrait être au coeur de chaque geste fait à Montréal. L'architecture, le design, le mobilier urbain, la signalisation devraient tous avoir une signature originale qui ferait la renommée de notre métropole sur la scène internationale.

 

C'est dans ce contexte que le grand patron de l'humour a abordé la question de l'allure générale du futur Quartier des spectacles. Y aura-t-il une vision derrière le béton? Y aura-t-il une pièce d'architecture qui décoiffe, un aménagement à couper le souffle? En d'autres mots, allons-nous passer à côté d'une occasion incroyable de marquer un grand coup sur la scène internationale? D'inaugurer un lieu unique qui distinguera Montréal des autres villes du monde?

De la part du patron d'un des deux principaux festivals montréalais, un intervenant qui suit le dossier du Quartier des spectacles de très près, ces propos laissent songeur.

Rappelons qu'il y a beaucoup, beaucoup de pression pour réaliser le Quartier des spectacles dans des délais très rapides. Un exemple: le plan d'aménagement a été préparé en sept mois seulement, un véritable tour de force pour un projet de cette envergure. Autre exemple: le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a fait de l'inauguration de la Place des spectacles sa priorité. Ce lieu, qui sera le coeur du Quartier, doit ABSOLUMENT être prêt pour le 30e anniversaire du Festival de jazz, martèle-t-il. Et avant les prochaines élections municipales...

Par contre, les concepteurs du projet ont une feuille de route pratiquement parfaite. Clément Demers est le «père» du Quartier international de Montréal, un quadrilatère qui fait la fierté de notre ville ici et à l'étranger. La firme d'architectes Daoust Lestage, avec qui il travaille, est à l'origine de la magnifique promenade Champlain, à Québec. Le Quartier des spectacles nous semble donc être entre bonnes mains.

M. Rozon a toutefois raison lorsqu'il dit que l'occasion de se doter d'un lieu vraiment original ne passera pas deux fois, que Montréal ne mérite pas moins qu'un projet extraordinaire.

L'exemple de Bilbao, bien qu'usé à force d'être utilisé, s'impose encore une fois. Lorsqu'on prononce le nom de cette ville d'Espagne, les courbes du musée conçu par l'architecte Frank Gehry surgissent immédiatement dans notre esprit. Avec un investissement d'environ 200 millions de dollars, Bilbao s'est payé une signature prestigieuse. C'est le résultat que doit atteindre Montréal avec son Quartier des spectacles.

M. Rozon a semé le doute. À la Ville, maintenant, de nous rassurer.