Le congé de maternité éclair de la ministre française de la Justice, Rachida Dati, soulève une véritable polémique en Europe. Cinq jours après son accouchement, cette belle femme de 43 ans était de retour au boulot, impeccablement maquillée et juchée sur des talons hauts (ouille!). La plupart des femmes ayant déjà accouché, par césarienne ou par voie naturelle, sont restées pantoises. Les premiers jours après l'«heureux événement», on est souvent plongée dans le brouillard et, physiquement, notre état s'apparente plutôt à celui d'une victime de collision avec un «18-roues». Stilettos? Rouge à lèvres? Réunions? Non merci...

L'attitude de la garde des sceaux crée un malaise, c'est certain. Pourquoi? Premièrement, parce que son retour hâtif remet sérieusement en question le principe qui veut que les femmes soient enfin acceptées dans les hautes sphères du pouvoir AVEC leurs différences, et non MALGRÉ elles. Or, Mme Dati envoie le message contraire: le prix à payer pour occuper un poste aussi important que le sien serait de faire comme si un accouchement était aussi banal qu'un traitement de canal. C'est malheureux.

Ensuite, il faut dire que sa décision, toute personnelle soit-elle, n'a pas la même portée que s'il s'agissait de madame Tout-le-Monde. L'excellent essai The Mommy Myth (2004) a bien démontré à quel point l'influence des mamans-vedettes a été néfaste pour l'estime de soi de la maman «ordinaire», à qui on dit qu'il est possible de retrouver sa taille et ses activités quelques semaines après avoir mis un enfant au monde. C'est le mythe de la maternité glamour, et plusieurs femmes ont l'impression que Mme Dati le perpétue à son tour aujourd'hui. Elles n'ont pas tort.

Cela dit, il s'est écrit plusieurs énormités depuis quelques jours, à commencer par le fait que la décision de Mme Dati allait faire reculer le droit des femmes au congé de maternité. N'importe quoi! Les congés de maternité sont des acquis sociaux en France et de plus en plus en Europe, où on discute d'ailleurs de l'idée de les prolonger de 16 à 18 semaines. En outre, ceux qui suivent la politique française savent que la position de Rachida Dati au sein du gouvernement Sarkozy est pour le moins fragilisée ces jours-ci. Peut-être craignait-elle que ses ennemis ne profitent de son absence pour signer son arrêt de mort? Si elle a décidé que sa présence à l'Élysée était plus importante que de rester auprès de son enfant, c'est son choix. Qui nous dit que le papa (dont la mystérieuse identité alimente la presse à potins) n'est pas auprès de son bébé en train de le dorloter pendant que maman veille aux destinées de la France? Peut-être Mme Dati regrettera-t-elle un jour d'avoir raté ces moments uniques auprès de son enfant? Peut-être pas. Cette partie-là du problème lui appartient.

En fait, s'il y a une émotion qui prend le dessus sur toutes les autres dans de cette histoire, c'est la tristesse. Celle de voir une nouvelle mère se sentir obligée d'agir de la sorte. Et, surtout, celle de savoir qu'il y a un bébé qui ne profitera pas de moments précieux auprès de sa maman.