Quand on fait l'inventaire des événements culturels qui distinguent Montréal des autres grandes villes du monde, on nomme avec raison le Festival international de jazz de Montréal et le Festival Juste pour rire. On a toutefois tendance à oublier État d'urgence, un événement beaucoup plus modeste, il va sans dire, mais qui n'est pas moins unique et original.

État d'urgence est né il y a environ 10 ans de l'imagination d'un couple, Pierre Allard et Annie Roy, qui marient avec brio engagement politique et vision artistique.

 

Leur but n'est pas de faire beau (sur le plan esthétique) ou d'amuser les foules, mais plutôt de brasser la cage et de faire réfléchir. Leur intervention urbaine est avant tout destinée à sensibiliser le public au sort des sans-abri tout en sensibilisant ces derniers à l'art et à la poésie. Le couple tente aussi, et c'est un but plus difficile à atteindre, de tisser des liens entre les citadins et les gens de la rue. En ces temps de crise du crédit et de ralentissement économique, leur message est on ne peut plus pertinent.

Avec État d'urgence, nous sommes bien sûr à mille lieues du Grand Prix du Canada et de ses millions de dollars de retombées économiques pour les commerces du centre-ville. Ce n'est pas le genre d'événement qu'on vantera dans une brochure touristique et il n'y aura sans doute pas un seul autobus touristique à l'angle des rues Berri et Sainte-Catherine ce week-end. Pourtant, la renommée de l'Action terroriste socialement acceptable dépasse les frontières du Québec. Des grandes villes canadiennes comme Toronto, Vancouver et Calgary se sont montrées intéressées à importer l'événement.

Mais pourquoi irait-on se balader dans un campement de sans-abri ce week-end plutôt qu'aller au musée ou au cinéma? Peut-être pour tenter de voir au-delà des statistiques sur la pauvreté et l'itinérance qu'on nous balance jour après jour, et qui ne nous diront jamais grand-chose, à moins, bien sûr, de pouvoir mettre des visages et des noms sur ces chiffres-là.

Depuis le début de la crise économique, on encourage les citoyens-consommateurs à épargner (le taux d'endettement des Canadiens est effarant) ou à magasiner (pour faciliter la chose, la Ville de Montréal autorise même l'ouverture des commerces jusqu'à 20h les fins de semaine). Ce week-end, une troisième option s'offre à nous: aller errer à la place Émilie-Gamelin. Nous n'y trouverons peut-être pas nos cadeaux de Noël, mais peut-être y retrouverons-nous l'urgence d'agir?

nathalie.collard@lapresse.ca