C'est aujourd'hui, à Rome, que se rencontrent les 120 pays signataires de la convention de Rotterdam, une entente de coopération qui vise à réglementer le commerce de produits dangereux pour la santé des individus et pour l'environnement. À moins d'un revirement de dernière minute, le Canada va persister dans son refus d'inscrire l'amiante chrysotile sur la liste des substances très dangereuses.

Au fil des ans, la position du Canada, grand exportateur de ce produit dénoncé partout dans le monde, n'a pas bougé d'un iota.

Elle est toutefois l'objet de vives critiques, autant de la part des groupes environnementalistes que de l'Organisation mondiale de la santé et de la communauté scientifique.

L'amiante chrysotile est cancérigène et les scientifiques estiment que ce produit - utilisé pour la fabrication de ciment, d'asphalte, de tuyaux et de sabots de freins - devrait être totalement interdit. Il l'est d'ailleurs dans la plupart des pays européens.

Le Canada s'obstine et il n'est pas seul dans son camp. Outre des pays comme l'Iran, le Kirghizistan, l'Inde et la Russie, on compte également le Québec, où se trouvent la plupart des mines d'amiante chrysotile. Et parce que cette industrie controversée génère entre 700 et 1000 emplois, des syndicats comme la FTQ défendent, eux aussi, l'indéfendable.

Leur argument est basé sur le "risque calculé": avec les précautions nécessaires, disent-ils, l'amiante chrysotile ne serait pas plus dangereux que d'autres produits qui, eux, ne font pas l'objet d'une interdiction. En fait, on joue sur les mots.

Comme personne ne peut affirmer que l'amiante n'est pas dangereux, on dit plutôt que l'amiante chrysotile est "moins dangereux". Le fait est qu'il y a un risque pour la santé et que l'amiante chrysotile est un produit hautement toxique. Sachant cela, pourquoi courir le moindre risque?

La semaine dernière, l'Association médicale canadienne a vivement dénoncé la position du Canada. Dans un éditorial très dur intitulé "La mortalité liée à l'amiante, une exportation canadienne", les auteurs écrivent: "Le Canada est la seule démocratie occidentale à s'être constamment opposée aux efforts internationaux visant à réglementer le commerce mondial de l'amiante. Et le gouvernement du Canada l'a fait en manipulant honteusement les connaissances scientifiques par des moyens politiques."

Rappelons que le Canada exporte l'amiante chrysotile dans plusieurs pays en voie de développement, là où les travailleurs ne bénéficient pas toujours des mêmes conditions de travail et de la même protection que leurs confrères québécois. Ils s'exposent à des dangers beaucoup plus grands encore. En tant que pays riche, le Canada a donc le devoir moral de ne pas soumettre des individus aussi vulnérables aux dangers reconnus de l'amiante chrysotile.

L'attitude du gouvernement canadien est d'autant plus inacceptable qu'un rapport commandé par Santé Canada, qui a réuni des experts internationaux pour étudier les risques d'une exposition à l'amiante chrysotile, dort sur une tablette depuis six mois. Un de ses auteurs a confié à La Presse que le document en question ne comporte aucune information scientifique qui pourrait changer cette conclusion fondamentale: l'amiante chrysotile est bel et bien cancérigène. Que veut-on camoufler au juste en retardant la publication de cette étude? Elle doit être rendue publique dans les plus brefs délais. Dans ce dossier, le Canada a décidément tout faux.