Sans faire de bruit, la justice «ordinaire» est parvenue à faire condamner plusieurs accusés liés à Al-Qaïda et auteurs d'attentats, réussis ou non, perpétrés aux États-Unis et ailleurs.

Justice «ordinaire», c'est-à-dire conforme aux règles établies du droit criminel, par opposition à la justice militaire appelée à agir dans les cas de plusieurs suspects détenus à Guantanamo. Sous George W. Bush, l'intention était de dispenser une justice expéditive et sévère en militarisant les procédures.

Ce n'était pas une bonne idée.

Ainsi, les jurés chargés de juger Souleymane Abou Ghaith ont rendu un verdict après moins de six heures de délibération, hier, au Palais de justice du sud de Manhattan. Il a été trouvé coupable et sa sentence sera connue le 8 septembre prochain: il est passible de la prison à vie.

Époux de l'une des filles d'Oussama ben Laden (Fatima), propagandiste et porte-parole d'Al-Qaïda, l'imam koweïtien de 48 ans était accusé de complot pour meurtre et d'assistance au terrorisme. Dans les jours suivant le 11 septembre 2001, des vidéos devenues célèbres l'ont montré, flanqué de Ben Laden et d'une AK-47, appelant les fidèles à multiplier les attaques contre les Américains, à déclencher contre eux une «tempête d'avions».

Abou Ghaith a été arrêté en janvier 2013 par les Jordaniens et remis au FBI. Il a été traité de façon parfaitement conforme au droit (pas de soupçons de torture, de coercition, de détention illégale), comme lui-même l'a reconnu. Il s'est volontairement et longuement confié à un agent du FBI qui dira plus tard (à The Atlantic): «Je l'ai traité comme un gentleman et il a fait de même à mon endroit».

Quant au procès instruit à un jet de pierre de Ground Zero, il n'a pas été troublé par des menaces terroristes, comme on a dit le craindre pour justifier en partie les procédures d'exception à Guantanamo Bay.

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Le Koweïtien n'est pas le premier suspect en matière de terrorisme à être jugé et condamné dans une cour criminelle normale. Pendant qu'à Guantanamo, on n'arrivait à peu près à rien (huit verdicts de culpabilité, dont deux ont été renversés et toujours 154 personnes détenues), quelque 500 condamnations ont été prononcées par des tribunaux civils.

Les condamnés les plus célèbres?

Richard Reid, l'homme à la chaussure explosive. Umar Farouk Abdulmutallab, celui du sous-vêtement explosif. Faisal Shahzad, auteur de l'attentat raté de Times Square. David Coleman Headley, impliqué dans la tuerie de Mumbai. Sans parler des condamnations antérieures en rapport, par exemple, avec le premier attentat perpétré contre le World Trade Center, en 1993.

Bref, le peuple américain a vécu un traumatisme sans équivalent, il y a un peu plus de 12 ans. Mais il était alors du devoir de l'administration en place de garder la tête froide et de ne pas bousculer les droits et libertés.