Même si elle échoue sur tout le reste, une bonne vieille crise sociale clarifie les enjeux. C'est le cas du débat sur la Charte des valeurs, qui titille le gros nerf des Québécois comme seules les campagnes référendaires l'avaient fait. Après des semaines d'une tempête parfaite, on a acquis deux ou trois certitudes, en effet.

Lesquelles?

D'abord, que la laïcité est un concept à géométrie variable, confus aux yeux du public, trituré par le gouvernement Marois. Ainsi en est-il du choix de parler de valeurs plutôt que de laïcité. Ou de maintenir le crucifix à l'Assemblée nationale, plantant ainsi à la cime du pouvoir le symbole même de l'union de l'Église et de l'État! Absurde, évidemment. Cette décision sera renversée, a-t-on appris, ce qui ramènera un peu de bon sens.

Ensuite, on a finalement compris la puissance symbolique du vêtement en général, de sa variante d'inspiration religieuse en particulier.

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Qu'est-ce qui permet de se former en 20 secondes une première impression sur un inconnu? Deux choses. Le langage corporel, qui échappe largement à la volonté. Et le vêtement qui, lui, relève d'une décision consciente et réfléchie.

Le vêtement véhicule un message, en effet, d'une intensité variable selon qu'il se fond dans la masse ou est... ostentatoire. Choisir de porter un signe «fort», c'est décider de son plein gré d'être perçu en fonction du message affiché. Ce processus de perception et d'évaluation est instinctif, consigné dans nos gènes depuis la nuit des temps: ce fut pendant des millénaires une question de survie.

Or, le vêtement associé à la religion - turban, kippa, voile, a fortiori schtreimel ou niqab - émet un signal fort. Il met en vitrine une relation privilégiée, fondée sur la croyance et non sur la raison, avec un être tout-puissant. Ainsi que la supériorité que confère la possession exclusive de la vérité. Inévitablement, ce message est susceptible d'être mal reçu.

De plus, le vêtement lié à l'islam provoque des réactions particulières. Et pas seulement à Hérouxville.

Ce réflexe est en effet courant partout dans le monde. Dans plusieurs pays musulmans (Turquie, Égypte et Tunisie, par exemple), le voile effectue sous la pression islamiste un retour qui est rarement bienvenu. La plupart des nations occidentales jonglent laborieusement avec cette question. Même la Grande-Bretagne ultra-accommodante vit maintenant des controverses.

Tous connaissent les raisons de ce statut particulier. La face politique de l'islam, souvent hostile, impossible à ignorer. Un prosélytisme extrêmement vigoureux. Le sort de la femme, bien sûr, et la question lancinante: choix personnel ou plus ou moins subtilement imposé?

Le débat sur la Charte a fini par avoir raison de la crainte d'aborder franchement et honnêtement ces réalités. Le choix que fera la société québécoise, maintenant débarrassée du jovialisme et du déni, sera plus éclairé.