L'adolescente est connue de tous par son prénom, Malala. Il y a exactement un an, alors qu'elle revenait à la maison dans un autobus scolaire de fortune, elle était ciblée et atteinte d'une balle à la tête. Pourquoi? On la jugeait coupable du crime de fréquenter l'école et surtout d'inciter les autres adolescentes à faire de même.

Dans deux jours, il est possible que Malala Yousafzai reçoive le prix Nobel de la Paix.

Car, contre toute attente, elle a survécu. Elle a rédigé son autobiographie, qui débarque en librairie cette semaine. Et le 12 juillet dernier, le jour même de son 16e anniversaire de naissance, elle était suffisamment forte pour prendre la parole au siège de l'ONU, à New York. Elle y expliquait à un parterre ému et admiratif: «Je veux que les fils et les filles des talibans et de tous les terroristes et extrémistes reçoivent de l'éducation. Je ne déteste même pas le taliban qui m'a tiré dessus...»

Or, cet homme-là, Atta Ullah Khan, est instruit: il étudiait la chimie au niveau de la maîtrise. Et l'inspirateur de l'attaque serait Maulana Fazlullah, un mollah - ce qui signifie: érudit...

Il n'en reste pas moins que l'islamisme est essentiellement fondé sur la promotion de l'ignorance. Au Nigeria, sa milice porte le nom le plus explicite qui soit, Boko (livre) Haram (interdit). En Afghanistan, les talibans brûlent les écoles. Nous savons tout cela, bien sûr. Et Malala Yousafzai le sait mieux que quiconque.

Son enfance et le début de son adolescence, dans la vallée de Swat, ont en effet été vécus en parallèle avec la descente dans l'enfer islamiste de cette région conservatrice, mais relativement éduquée. Le pire est venu vers 2008 avec les émissions de radio du mollah Fazlullah, justement, et avec la violence des talibans, qui ont tenté d'imposer la charia et la fermeture des écoles.

L'adolescente a riposté en signant un blogue pour la BBC (en ourdou) et en plaidant notamment à la télé pour la résistance du réseau scolaire. On craignait pour son père, lui-même fondateur d'une institution d'enseignement, mais personne ne pouvait croire que les talibans s'en prendraient à elle.

Erreur.

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Malala est très jeune pour faire l'objet d'une consécration aussi lourde à porter que le prix Nobel de la Paix. Mais elle a déjà vécu dix vies, peut-on dire, et assumé des responsabilités et des risques que peu d'adultes connaîtront dans leur existence.

D'autre part, des 259 candidats y compris la poignée de favoris dans cette course (dont Bradley Manning, l'informateur de Wikileaks; ou des militantes russes; ou... Vladimir Poutine!), aucun n'est aussi universellement emblématique, aussi impliqué dans un combat réel pour la paix que Malala Yousafzai.

Comme pour le Nobel de Littérature, l'attribution du prix Nobel de la Paix a souvent été un geste politique, dans le plus mauvais sens du terme. Espérons que, cette année, on décidera au mérite.