La fin de semaine dernière, sur diverses scènes montréalaises consacrées à des musiques plus ou moins alternatives, se produisaient des groupes tels que Demi-Mal, Silent Bones, Âmes sanglantes, Negative Approach, Oppression, Citizens Arrest, Dead Future, Left For Dead. Après cela, on avait heureusement prévu une prestation de... Survival!

Ce programme était-il le fruit d'une forme d'humour noir? Ou le symptôme d'une adhésion tenace au bon vieux 

No Future des années 70? Ou alors était-ce le script d'une conspiration dont l'objectif serait de faire disparaître toute joie, tout plaisir, tout bonheur, de la musique populaire, laquelle a pourtant servi depuis des décennies de Prozac virtuel à plusieurs générations?

Mystère. (Note aux industriels des mots: il faudrait peut-être arrêter de faire peur aux enfants en leur répétant que la planète est foutue et l'humanité avec elle.) 

Quoi qu'il en soit, se tenait aussi au cours du week-end l'événement Osheaga qui, à sa huitième année, a fait débarquer 135 000 fans de musique sur l'île Sainte-Hélène. C'est d'autant plus remarquable qu'Osheaga a démarré sans subventions et n'en reçoit encore que très peu aujourd'hui. Malgré cela, l'événement offrait des aménagements extérieurs efficaces agglomérés autour d'une demi-douzaine de scènes et pensés par une organisation qui semble sans failles.

Mais ce qui a évidemment fait gonfler la clientèle d'Osheaga, c'est d'abord ce que proposait une affiche éclectique comptant plus d'une centaine de groupes... dont aucun, c'est assez remarquable, ne s'était baptisé de façon à annoncer l'apocalypse!

Bref, ce fut festif, dirait-on si le terme n'était pas aussi galvaudé.

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On pourrait oublier que, pour la plupart des artisans de la musique populaire et indépendamment de tout message, le bonheur de la musique est en lui-même une raison suffisante pour la pratiquer.

Après Osheaga, et pour faire le pont avec une autre époque, on verra le film 20 Feet From Stardom, de Morgan Neville*.

Il s'agit d'un documentaire portant sur le travail des choristes, de la préhistoire (c'est-à-dire: les années 60) à nos jours. Témoignent des grands noms comme Bruce Springsteen, Mick Jagger et Sting, aussi bien que nombre de choristes, la plupart afro-américaines, la plupart demeurées obscures. On y trouvera des pièces d'anthologie, notamment une ahurissante version de Gimme Shelter donnée dans une petite salle et dominée par la voix, non pas de Jagger, mais d'une choriste, Mary Clayton, qui est renversante.

Or, ce film magnifique, pétant de vie et d'humanité, a bel et bien un message. Et c'est précisément celui du bonheur de la musique, que ne cessent de décrire ces femmes dont plusieurs ont dépassé la soixantaine, mais chantent toujours.

Si le titre n'était pas déjà inscrit au répertoire classique, l'oeuvre de Neville aurait fort bien pu s'intituler Hymne à la joie. 

* Cette semaine au Cinéma du Parc.