La chanson du tandem Ducharme/Charlebois demandait jadis s'il faut: «déménager ou rester là». On constate encore cette année que plusieurs ont choisi de faire leurs boîtes! Cependant, peut-être la question est-elle aujourd'hui: faut-il louer ou acheter sa résidence?

C'est moins clair, en effet, que ça l'était à l'époque où l'immobilier était le placement par excellence. Où être propriétaire tenait à la fois du rêve universel et de la convention sociale.

Pourquoi? Il y a l'argent, évidemment.

Chez les jeunes couples (20-39 ans) avec enfants et aux revenus modestes, le taux d'accession à la propriété a dégringolé entre 1981 et 2006 au pays, passant de 47 à 35%. Le coût de la parfaite incarnation de ce rêve, la maison unifamiliale, a grimpé de 31% au Québec depuis cinq ans.

Un bon investissement? Une épargne forcée? Ça dépend. Une propriété peut être un gouffre si, par exemple, on a mal calculé les frais courants ou de rénovation et d'entretien. «Allez vous promener chez Réno-Dépôt, vous allez voir toutes sortes de propriétaires qui économisent!» dit (à La Presse) Éric Brassard, planificateur financier.

Et on n'a pas encore parlé du spectre de la hausse éventuelle des taux hypothécaires...

Bref, louer devient attrayant. Surtout que les loyers ont légèrement baissé à Montréal depuis 2011 et que la Régie du logement suggère en 2013 des hausses modestes: entre 0,2 et 1,7%. En outre, il y a le choix: à Montréal, le taux d'inoccupation est de 3% et on prévoit des investissements dans le parc locatif.

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À long terme, un autre facteur pourrait jouer, que l'on appellera le «syndrome Bixi». Il s'agit de la propension à utiliser les choses plutôt que les posséder.

Cela avait été prévu il y a plus de dix ans par Jeremy Rifkin dans L'Âge de l'accès: tout sera un jour à louer, écrivait-il (pour le déplorer) et on paiera pour simplement accéder aux biens et services. Depuis, cela s'est vérifié dans le monde virtuel et tend à le faire dans le monde réel. Pourquoi s'encombrer d'une bicyclette ou d'une voiture lorsqu'on peut prendre le guidon ou le volant à faible coût et à sa guise?

Bien sûr, le phénomène est essentiellement urbain, davantage encore en ce qui concerne l'habitation, coûteuse dans les métropoles. À Berlin, 89% des résidents sont locataires; 69% à New York, 62% à Montréal. À Londres, «un célibataire de 25 ans en aura 54 lorsqu'il aura les moyens d'acheter une habitation», illustre la BBC. En outre, ajoute-t-elle, «bien des locataires apprécient être libres, demeurer dans des quartiers où ils n'auraient pas les moyens d'acheter et ne pas avoir pas de responsabilités. Si la fournaise rend l'âme, c'est au propriétaire d'y voir!»

Sur les plateaux de la balance, ces arguments suffisent-ils à compenser pour l'irrépressible instinct de posséder et les avantages réels d'une chaumière bien à soi? Il appartient à chacun de répondre.