Deux choses sont remarquables dans le récent palmarès des États faillis ou fragilisés que publie annuellement, depuis 2005, la revue Foreign Policy. La première est que les pays ayant le triste honneur d'occuper les dix premières places sont, en gros, toujours les mêmes. La seconde, que l'on constate dans l'édition 2013 tout juste mise en ligne, est le résultat navrant des divers «printemps arabes».

Sur le premier point, donc: il devient patent que restructurer un État failli est une entreprise extraordinairement difficile.

L'exemple le plus probant est celui de la Somalie, depuis cinq ans l'État le moins fonctionnel au monde selon l'organisme Fund for Peace, qui réalise ces études. Or, en réalité, le pays est dans cette situation depuis la chute en 1991 du dictateur Siyaad Barre. Il a ensuite eu droit, en effet, à l'emprise des chefs de guerre criminels, à la piraterie érigée en système, aux assauts de l'islamisme guerrier et à l'échec de l'aide internationale.

On ne s'étonnera pas de retrouver dans cette catégorie le Congo, le Tchad, l'Afghanistan ou Haïti. Seule l'entrée du Soudan du Sud dans la liste des dix États les plus dysfonctionnels (et ce, dès sa séparation avec le Soudan, également sur cette liste) constitue vraiment un fait nouveau.

D'autre part, la totalité des pays dont la «rue» arabe a bouleversé la gouvernance ont connu - temporairement, faut-il espérer - une dégradation de leur situation. C'est le cas de la Syrie, aux prises avec une sanglante guerre civile dont on ne voit pas la fin. Cela vaut aussi pour la Libye, le Yémen et l'Égypte, tous confrontés aux difficultés économiques, à la faiblesse des nouveaux pouvoirs ainsi qu'à l'incertitude politique. 

Même chose pour la Tunisie, relativement épargnée par la violence, mais qui n'en a pas moins grimpé dans l'échelle des États fragilisés et a accusé des reculs de 20 et 35 milliards US$ de son produit intérieur brut et de ses finances publiques, respectivement.

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Mais voilà: qu'y faire?

Les optimistes ne sont pas foule: la route vers la bonne gouvernance et la prospérité est longue, difficile et jamais sûre. «Il a fallu des siècles à l'Europe pour sortir du chaos anarchique qui a suivi la chute de l'Empire romain...» illustre Paul Collier, auteur de (nous traduisons) Le Milliard du bas/Pourquoi les États pauvres faillissent et ce que nous pouvons y faire.

Cependant, les États faillis ou fragiles ont aujourd'hui des atouts que l'Europe du Moyen Âge n'avait pas. Il existe un «mode d'emploi» de la modernité expérimenté par des dizaines de nations stables et prospères. Lesquelles sont par conséquent capables d'apporter de l'aide. Rien de cela n'est infaillible, bien sûr, compte tenu du fait que les États faillis doivent en général combattre eux-mêmes de redoutables démons intérieurs.

Mais la possibilité existe, ce qui fait espérer.