La Suède est le pays le mieux gouverné au monde, statuait il y a à peine trois mois le magazine The Economist. Ah, le fameux modèle suédois! Comment se fait-il alors que, depuis plusieurs jours, des émeutes ont lieu quotidiennement dans les banlieues de Stockholm, avec de la casse, des voitures brûlées, de violents affrontements avec la police?

Autrement dit: si les Suédois ne parviennent pas à régler leurs problèmes dans la sérénité, qui le pourra?

Depuis des décennies, on tient pour acquis que les pays scandinaves - la Suède en particulier - ont développé, mieux que nulle part ailleurs, des sociétés axées sur la distribution de la richesse, la tolérance et l'ouverture. Pourtant, les banlieues se révoltent, comme en France en 2005 ou en Angleterre en 2011. Et pour les mêmes raisons apparentes: concentration de l'immigration, exclusion, chômage, pauvreté.

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À Husby, en périphérie de Stockholm, ce qui semble une bavure de la police (elle a abattu un vieil homme d'origine étrangère armé d'un couteau) a déclenché l'affaire. Une série de nuits rouges a suivi. De sorte que les questions surgissent, toujours les mêmes... amenant à peu près les mêmes réponses.

Selon un activiste scandinave, le néolibéralisme est en cause, saupoudré d'intolérance, de racisme et de brutalité policière... toutes choses qui caractérisent la Suède, c'est bien connu. Selon un réfugié vivant à Husby, cette délinquance tient plutôt au fait que les parents n'ont pas le droit de frapper leurs enfants pour les corriger... ce qui, en effet, ne fait pas partie des coutumes locales.

Mais voyons d'autres points de vue.

D'abord, depuis plus d'une décennie, les inégalités ont bel et bien augmenté en Suède. Il y a eu des coupes dans les services sociaux. Le taux de chômage chez les immigrés dépasse les 16% alors qu'il est de 8% dans la population générale. Et le taux de pauvreté est passé de 4 à 9%. Mais tout est relatif. À tous points de vue, (emploi, revenus, filet social, égalité), la Suède demeure ancrée dans le peloton de tête des nations développées.

Ensuite, le premier ministre de la Suède, Fredrik Reinfeldt, a évoqué une poussée de hooliganisme pur et simple. Or, on trouve certainement là une partie de la vérité: ce phénomène est devenu universel, nous n'y échappons pas non plus.

Enfin, il faut regarder du côté de l'immigration et de l'intégration. Aujourd'hui, 15% des 9,5 millions de Suédois sont des immigrés. En 2012, le pays a accueilli 44 000 réfugiés, principalement de la Syrie, de l'Afghanistan et de la Somalie, en un élan de générosité à peu près sans équivalent dans le monde. Mais il est impossible de nier que cela pose des problèmes culturels et économiques. La tendance au sein de ces communautés est à la ghettoïsation et l'accès à l'emploi se heurte souvent au manque de qualifications.

En ces matières, même le modèle suédois ne peut pas faire de miracles.