Après le tabac, l'alcool et le jeu, pourquoi pas la drogue et la prostitution?

Si l'État doit disposer de plus de ressources pour le bien commun, le devoir du citoyen est-il de fumer, de boire et de jouer davantage? Et, pour respecter sa mission sociale, l'État doit-il y inciter?

Absurde? Non.

Québec s'attend en 2013-2014 à encaisser 370 millions$ de plus en profits tirés du tabac, de l'alcool et du jeu (130, 100 et 140 millions respectivement). Actuellement, l'État québécois encaisse sur ces marchés des profits supérieurs à 3 milliards de dollars. La hausse espérée de ces profits, 12%, est donc gigantesque. Et la seule augmentation des taux de profitabilité sera vraisemblablement insuffisante : il faudra bel et bien fumer, boire et jouer davantage!

D'ailleurs, plusieurs initiatives sont envisagées, qui ne peuvent que stimuler la consommation.

La plus ingénieuse est l'introduction du service d'alcool aux machines à sous et aux tables de jeu des casinos : d'une pierre, deux coups! En outre, on augmentera le nombre de machines de loterie vidéo, les plus pernicieuses incitations au jeu qui se puissent concevoir, pour atteindre 12 000 appareils. On fera passer de 15 à 23 le nombre de salles de jeu Kinzo -sorte de bingo à l'ancienne servi à la moderne. Enfin, la Société des alcools du Québec prépare un plan de « fidélisation », initiative étrange puisque la SAQ est en situation de monopole.

Cependant, outre l'alourdissement de la taxation, rien n'est prévu pour le tabac. La seule action efficace serait de mettre fin à la contrebande, mais, pour des raisons mystérieuses (n'est-ce pas?), elle n'apparaît pas au programme...

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Le tabac, l'alcool et le jeu créent l'accoutumance, on le sait, et il est évident que l'État est devenu « accro » aux trois. Cela étant, tentons un peu d'humour.

Pourquoi ne pas regarder du côté de la drogue et de la prostitution?

Dans les deux cas, les profits vont au crime organisé, ce que la mainmise étatique sur le jeu, en 1969, visait précisément à contrer. (Il serait outrecuidant de noter que de 5 à 10% de la population jouait avant la création de Loto-Québec, contre 95% aujourd'hui...) En outre, ces deux marchés auraient bien besoin d'un encadrement qui assurerait la pureté des substances et surtout la sécurité des praticiennes. Enfin, ce serait l'occasion d'alléger la machine gouvernementale en abolissant la SAQ et Loto-Québec : il ne faudrait qu'un seul organisme, la SVQ.

La Société des vices du Québec.

Cet humour est grinçant? En effet. Pourquoi? Parce qu'il suppose que l'État, déjà cigarettier, barman et croupier, puisse être aussi pusher et pimp. Et ce, sans renoncer à son rôle de gardien de la moralité publique!

Un peu de sérieux, donc. On ne changera pas la nature humaine. Mais on pourrait se passer de beaucoup d'hypocrisie et faire l'économie de ces publicités gouvernementales proclamant que « le jeu doit demeurer un jeu » ou que « la modération a bien meilleur goût ».