On entend souvent de longues plaintes stridentes dénonçant le fait que la recherche scientifique est contaminée par la quête du profit. Par la commandite privée des chaires universitaires. Par une négligence croissante de la recherche fondamentale.

Exact ou pas?

Chose sûre, le monde scientifique a fait au cours des derniers mois des avancées importantes dans la connaissance de l'infiniment petit et de l'infiniment grand. Dans la dissection des particules élémentaires autant que dans son enquête sur l'origine et la nature du cosmos. Le hic, c'est que l'extrême complexité de ces découvertes ne fait rien pour favoriser leur médiatisation. Ainsi, un nouveau modèle de téléphone retient plus l'attention que la «photographie» des premiers instants de l'univers...

C'est pourtant ce qu'un engin mis en orbite par l'Agence spatiale européenne vient de faire (le Canada y a participé): des images de l'état du monde 380 000 ans après le Big Bang. Aussi bien dire une poussière de seconde après l'apparition de l'espace et du temps.

Les images confectionnées par l'observatoire spatial Planck, lancé en 2009, confirment l'âge de l'univers: 13,8 milliards d'années (à 80 millions près). Elles modifient légèrement la recette de la soupe originelle ainsi que la forme et la vitesse d'expansion de l'univers telles que la science les avait auparavant mesurées. Enfin et surtout, elles entrouvrent la porte sur un possible avant-Big Bang et sur une nouvelle physique.

Cette percée suit de quelques mois l'identification du boson de Higgs, défini comme le chaînon manquant de la physique des particules.

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Tout cela donne un peu le tournis. Surtout que, plus la science fouille en profondeur l'infiniment petit et l'infiniment grand, plus elle frôle une question essentielle, formulée par des philosophes dès le XVIIe siècle: pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?

Ou en deux mots: pourquoi l'univers?

Pourra-t-on un jour donner une réponse? Les avis diffèrent. L'astrophysicien titulaire de la chaire Newton à Cambridge, Stephan Hawking, croit que la science peut et doit répondre à la question du «pourquoi». D'autant plus, dit-il, que «la philosophie est morte, faute d'avoir réussi à suivre les développements de la science moderne». Le biologiste britannique Richard Dawkins croit le contraire: cette question n'a tout simplement pas de sens et la science n'a donc pas à se prononcer.

L'univers est étrange, constate-t-on à partir des connaissances qui s'accumulent. Peut-être même beaucoup plus étrange encore qu'on puisse l'imaginer, de sorte que la question du sens pourrait rester sans réponse. Or, l'être humain trouve difficile de vivre avec l'étrange, l'incertain, l'inconnu. C'est une faiblesse. Mais en même temps la force qui nourrit la recherche fondamentale.

C'est, en somme, l'ultime commandite. Et elle ne sera jamais matière à scandale.