Plus catholique que le pape. L'expression populaire, plutôt amusante, peut désigner deux attitudes. Celle de la piété démesurée des croyants qu'on appelait jadis les grenouilles de bénitier, une espèce éteinte. Ou celle du rigorisme moral s'inspirant de la morale naturelle, en gros celle professée, sinon appliquée, par les religions constituées... mais avec un supplément de vertu!

Un cas extrême est celui des jaïnistes. Ils adhèrent à une philosophie agnostique et animiste, populaire surtout en Inde. Et ils poussent leur attachement à la non-violence jusqu'à marcher les yeux rivés au sol afin de ne pas piétiner le moindre insecte!

Certes, peu de gens entretiennent un souci éthique applicable aux fourmis... Mais nous savons tous discerner le bien du mal - mis à part les psychopathes, affligés d'anomalies cérébrales que la génétique et les neurosciences commencent à expliquer.

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Les croyants de toutes dénominations soutiennent que la morale ne peut exister sans la foi en un dieu et l'adhésion à une institution religieuse.

Or, l'Histoire enseigne qu'on peut dire et faire absolument n'importe quoi, y compris dans l'ordre du mal, en invoquant un dieu. Et l'actualité montre qu'on peut être croyant, pratiquant et parfaitement moral tout en rejetant des pans entiers d'une doctrine religieuse. Ainsi, des millions de catholiques continueront à ignorer les positions du Vatican sur le divorce, les relations sexuelles hors mariage, l'homosexualité, la contraception et l'avortement, positions que le pape François ne modifiera pas.

Il y a donc autre chose. Et cela a à voir avec l'absolue nécessité de la morale pour la survie de l'espèce et la cohésion de la société.

Le fragile Homo sapiens n'aurait pas survécu 200 000 ans si ne s'était graduellement gravée dans ses gènes, par sélection naturelle, une prédisposition à la «vertu»: empathie, coopération, réciprocité. Cette propension est même observable chez certaines espèces animales supérieures.

Vient ensuite la science, c'est-à-dire: le savoir et la recherche de nouvelles connaissances. On en sait toujours davantage sur l'être humain et la société, de sorte qu'on identifie de plus en plus finement ce qui est bon pour lui et pour elle. «On dit souvent que la science est étrangère à la morale, qu'elle ne s'intéresse qu'aux faits et que les deux appartiennent à des univers différents. C'est clairement faux. Les valeurs constituent un certain type de faits, des faits relatifs au bien-être des créatures conscientes», dit Sam Harris, spécialiste des neurosciences et auteur de (nous traduisons) Le paysage moral / Comment la science peut déterminer les valeurs.

L'inné et l'acquis: il n'existe pas de fondations plus solides pour asseoir la morale.