À travers des rebondissements mêlant le rocambolesque au tragique, la mort d'Hugo Chavez, 58 ans, a été officiellement annoncée, hier. Souffrant d'un cancer diagnostiqué en 2011, traité plusieurs fois à Cuba, le président du Venezuela était de retour chez lui où, malgré le secret, on savait que son état ne cessait de se détériorer.

Avant même l'annonce, la roue de la succession avait d'ailleurs commencé à tourner.

Dans un discours livré devant les plus hautes autorités politiques et militaires du pays, en début d'après-midi, le vice-président Nicolas Maduro avait donné le ton de l'immédiat après-Chavez. Ce fut une longue allocution dont on retiendra trois idées: conspiration, révolution, confrontation.

Successeur désigné et favori lors de l'élection qui devrait venir bientôt, Maduro a exhorté le peuple vénézuélien à continuer de lutter «dans l'unité et la discipline» contre les ennemis, les traîtres, la droite, les fascistes, qui continuent de menacer la révolution socialiste bolivarienne d'Hugo Chavez.

Ce sont d'ailleurs ces «ennemis de l'intérieur et de l'extérieur» qui ont empoisonné le président, a accusé Maduro, ajoutant qu'il appuierait un jour cette hypothèse par des preuves scientifiques. Et ces mêmes ennemis, a-t-il encore accusé, tentent de déstabiliser l'État vénézuélien. Au même moment, à Caracas, on expulsait deux attachés miliaires de l'ambassade des États-Unis - le grand Satan, pensait Chavez, tout comme l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad dont il s'était fait un ami.

Ces expulsions enveloppées dans un scénario de complot à deux sous marquent la mort du Comandante du sceau du ridicule et de l'affrontement.

Au cours des prochains jours, la mort de Chavez sera assurément vécue chez lui comme une tragédie.

L'appareil étatique vénézuélien et, oui, une partie importante de la population canoniseront littéralement un saint - ça a déjà débuté. En même temps, ils pleureront le décès de la quasi-réincarnation de Simon Bolivar, le révolutionnaire mythique, que vénérait Chavez. C'est une caractéristique des chefs autoritaires, charismatiques, populistes et portés à la mégalomanie, à droite comme à gauche, que de susciter ce genre de ferveur: or, l'homme était tout cela.

Cependant, si on considère froidement la chose, cette disparition est-elle vraiment une tragédie pour la nation?

Au cours des prochaines semaines, on fera le bilan des 14 ans de règne du disparu. Il est probable qu'on sera alors appelé à décrire une période, peut-être pas catastrophique, mais certainement médiocre. Retour navrant du vieux folklore politique latino-américain. Sous-castrisme simpliste et vociférateur. Politique extérieure fondée sur le pétrole, dilapidé, utilisé comme arme et comme appât. Mépris de l'économie réelle...

Au total et malgré les initiatives mieux inspirées qu'il lui est aussi arrivé de lancer, l'Histoire pourrait juger Hugo Chavez assez sévèrement.