Barack Obama a donné son discours sur l'état de l'Union, mardi, sur le même ton et avec le même sens politique que l'adresse livrée lors de sa seconde inauguration, il y a trois semaines. C'est-à-dire un contenu conforme à la plateforme libérale, au sens américain du terme, sur laquelle il est confortable. Et un registre plus impératif qui, parfois, a presque atteint celui d'une mise en demeure servie au Congrès.

«Votez!», a-t-il lancé à plusieurs reprises. Ou: «Apportez-moi une loi!» Ou encore: «Ces gens [les familles de victimes de fusillades] ont droit à un vote!...»

Il n'y a évidemment pas de mystère dans la naissance de cet Obama «nouveau», moins friand de compromis: le président n'a tout simplement plus à être réélu. De sorte que la charge de la politique politicienne ne se trouve plus surtout de son côté, mais loge dorénavant chez les républicains.

Or, ceux-ci ne se trouvent pas dans une position très confortable. Ils sont en grave déficit de crédibilité. Lestés des conséquences des désastres (ah! Clint Eastwood!) qui ont déferlé dans leur camp. De plus en plus embarrassés par leur long flirt avec une droite fortement décentrée. Pour l'instant sans programme ni chef présentables. Bref, ils doivent certainement trouver que 2016 approche à une vitesse affolante.

Cet inconfort s'est reflété dans la réplique républicaine au discours sur l'état de l'Union. Le sénateur Marco Rubio (Floride) a eu tout à fait l'air d'un homme qui tente de sauver les meubles, remâchant une rhétorique anti-Obama usée, multipliant les imprécisions et les contradictions, presque acculé à l'obligation de «promettre 0% de chômage et 100% de bonheur», comme l'a écrit un blogueur (Michael Grunwald du Time).

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Pourtant, il y avait bel et bien une ou deux pelletées virtuelles de nuages dans le carnet de commandes déposé devant le Congrès.

Il est exact que l'orateur n'a pas encombré l'écran de son télésouffleur de chiffres trop précis - ni de devis élaborés de financement - quant au coût des divers programmes qu'il a proposés. Entre autres: l'éducation préscolaire pour tous; le développement de l'enseignement technique au high school; la mise en place d'un réseau d'incubateurs d'entreprises manufacturières. Le président a aussi promis une hausse (et l'indexation) du salaire minimum, considérant qu'une famille ne comptant que sur ce revenu vit sous le seuil de la pauvreté.

On verra à l'usage, bien sûr, comme cela figurera dans les colonnes comptables.

Mais l'idée qui se dégage du discours sur l'état de l'Union est importante. C'est celle-ci: la santé de toute société avancée - et celle des États-Unis en particulier - repose sur celle de sa classe moyenne. C'est une vérité qui a été un peu oubliée, ou même parfois ouvertement méprisée, depuis quelques années chez nos voisins du Sud.

Cette idée justifiait certainement quelques mises en demeure.