Le projet de loi C-54 semble fait sur mesure pour répondre au sentiment d'horreur qu'ont fait naître dans le public certains crimes récents. On pense à l'affaire Guy Turcotte, bien sûr, mais aussi à d'autres drames sordides survenus ailleurs au Canada. Et, de fait, les premières critiques qui ont accueilli le texte législatif parlent de «réaction épidermique» de la part du premier ministre Stephen Harper.

Celui-ci dépose donc un projet de réforme de la non-responsabilité criminelle.

Si elle est adoptée, cette loi ne toucherait pas aux stipulations du Code criminel concernant la défense de non-responsabilité, qui peut conduire à ce que beaucoup confondent avec un acquittement. Mais elle resserrerait l'encadrement de ce qui vient ensuite. C'est-à-dire: les conditions de détention en milieu psychiatrique et les critères de libération éventuelle. Par exemple, une personne pourrait être déclarée «à risque élevé» et son sort continuerait alors à dépendre des décisions d'un tribunal, non d'une commission d'examen comme c'est le cas actuellement. L'intervalle entre les procédures d'examen pourrait aussi passer de un à trois ans.

La loi serait en partie rétroactive et s'appliquerait aux personnes déjà jugées, mais toujours sous garde dans des institutions. Ainsi, les dossiers de Vince Li, qui a décapité un passager dans un autobus Greyhound en 2008, et d'Allan Schoenborn, qui a tué ses trois enfants également en 2008, tomberaient sous la coupe de la nouvelle loi.

Cependant, ce ne serait apparemment pas le cas pour le Dr Turcotte, qui a admis avoir tué ses deux enfants en 2009, puisqu'il a recouvré sa liberté en décembre dernier.

Étiqueté une fois pour toutes comme un ardent défenseur de la loi et de l'ordre, le gouvernement Harper est toujours soupçonné d'en faire trop lorsqu'il propose des initiatives allant dans cette direction. Et le fait est que, le Canada connaissant depuis des décennies une nette diminution de l'incidence et de la gravité du crime, la nécessité d'une répression plus sévère n'est pas évidente.

C'est en ce sens qu'a plaidé, dès l'annonce du projet de réforme, la Société canadienne de la schizophrénie. Selon elle, il n'y a pas lieu de stigmatiser ainsi la maladie mentale: entre 93 et 97% des personnes traitées après avoir été reconnues criminellement non responsables ne récidivent pas.

Cependant, il existe aussi une telle chose que l'apparence de justice, en particulier aux yeux de qui a souffert du crime - et aux yeux du public en général, lorsque surviennent des événements particulièrement révoltants. C'est plutôt de ce côté que s'est rangée la critique du Nouveau Parti démocratique en matière de justice, Françoise Boivin, ajoutant qu'elle passerait cependant le projet de loi «au peigne fin».

Sage précaution, sans doute. Mais ça ne rend pas l'intention du projet de réforme inutile ou détestable.

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